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Comment des médias occidentaux fabriquent le « consentement meurtrier »


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Les invités : Driss Jaydane, Chroniqueur Luxe Radio chargé des questions philosophiques, Lamia Berrada Berca, Ecrivain, Guillaume Jobin, Ecrivain et éditeur, Hanane El Majidi, Chercheure en sociologie du genre et Abdelghani Youmni, Secrétaire général du Parti Socialiste Français à Casablanca

Comment une société devient-elle haineuse, méfiante, voire raciste? Comment s’opère dans l’imaginaire collectif des idées qu’il devient quasi impossible de déloger? Les sciences cognitives nous renseignent sur les systèmes d’acquisition des connaissances, les effets de langage ne peuvent être maîtrisés.

C’est précisément ce que nous apprend l’affaire dite en France du Burkini à travers le traitement médiatique auquel elle a eu droit. Et Oui, les effets de langage relèvent bien du domaine sacré des médias… des médias mainstream s’il vous plait… en d’autres termes, ceux de l’idéologie dominante, des chantres de la mondialisation « heureuse », de l’antiracisme, de l’être sans racines, sans culture et sans tradition. Il faut le reconnaître : depuis que les journalistes ont commencé à toucher des salaires variant de 50.000 euros à 200.000 euros par mois chez nos confrères occidentaux, que la structure capitalistique de leur média a goûte à la concentration, s’est constitué alors un internationalisme de salles de rédaction aux méthodes d’un nouveau genre: la communication remplace l’information, le bien et le mal remplacent le vrai et le faux, l’émotion, l’affect et le ressentiment habillent et rationalisent la haine et l’exclusion, la manipulation et l’intoxication médiatiques associent le crime à la religion construisant ainsi et sans arrêt une lexicologie pointue du politiquement correct dans le but de créer des catégories, de disqualifier les contestataires, d’interdire de dire, c’est-à-dire de ne pas débattre, c’est-à-dire de pas décider. Le média cède son rôle de contre-pouvoir et se substitue au pouvoir lui-même, le pouvoir de diviser, de faire détester, le pouvoir de fabriquer de la culpabilisation dans le but d’assigner au silence et de légitimer les futurs opérations dites « humanitaires » c’est-à-dire « criminelles » ôtant la vie et la richesse à des enfants, des vieux et des femmes avec notre « ok », avec notre « humanité ». Nous médias, nous sommes capables de vendre une télévision couleur à un aveugle, mais ça on ne vous le dira pas tous les jours. Exactement de la même manière, voici comment on violente une femme en bord de mer sans passer pour un raciste. Aujourd’hui, nous vous livrons la recette dans « Avec Ou Sans Parure ».

En effet, c’est bien connu, tout conflit commence par de la diversion, des blagues de mauvais goût comme ce qu’il s’est passé cet été sur les pages de la côte d’azur, et c’est dans ce brouhaha médiatique que s’opère une construction du verbe, une sémantique, une association de termes qu’il faudra répéter tous les quarts d’heure à coups de surexposition médiatique. Ainsi, au début des années 2000 aux États-Unis l’administration Bush a pu inventer des armes de destruction massive en Irak profitant de la psychose du peuple américain après le 11 septembre, ce qu’il lui a permis de démembrer l’Irak, de piller ses ressources naturelles, de commettre des meurtres sur des innocents, mais la sémantique des Fox News triomphera. Le reste suivra. Rappelez-vous les GI n’ont jamais tué, ils ont « neutralisé » nous apprenait les titres du monde, de libération et de l’express.

Aujourd’hui, et pour revenir sur la blague pourrie de l’été français, les médias parisiens ont titré pour la plupart d’entre eux je cite « polémique du Burkini » fin de citation. Ainsi, le racisme d’Etat, puisque soutenu par son premier ministre et une large élite politique de femmes et d’hommes d’Etat, devient une simple « polémique », et il se trouve qu’une femme a été tout simplement « verbalisée » notez le terme, ça vous rappelle sûrement votre dernier excès de vitesse n’est-ce pas!! Circulez il n’y a ni violence, ni humiliation en public et devant ses proches, ni racisme… Quand on travaille au Monde, violer l’intimité d’une femme à cause de son appartenance religieuse devient une polémique, au mieux un malentendu. Quelques jours plus tard, et après la décision du conseil d’Etat français, les mêmes médias titraient à l’unanimité je cite « le conseil d’Etat suspend les arrêtés municipaux » fin de citation comprenez, il est impossible que nous titrions « le conseil d’Etat condamne les maires concernés pour racisme antimusulman avéré ». Et puis attention, ce n’est qu’une « suspension » pour vous dire en vrai, va pas loin on revient très vite, coco.

Les médias sont-ils les premiers responsables de l’acharnement antimusulman dans le monde? Comment se protéger contre le véritable mal de notre époque, c est-à-dire celui de l’invasion du vocabulaire du dominant.

Par ces effets de sémantique, les médias ne sont-ils pas entrain de jeter de l’huile sur le feu poussant l’inconscient français à assimiler le musulman à une menace, preuve en est la réaction du tristement célèbre restaurateur qui refusera de servir deux musulmanes parce que voilées, il ira jusqu’à dire que tous les musulmans sont des terroristes. S’il était poursuivi pour avoir tenu des propos racistes, il aurait invoqué que ce sont les médias français qui ont libéré la parole raciste et qu’il n’a fait que se soumettre à son Etat raciste et antimusulman. À l’instar d’un jeune marocain qui justifierait ses propos judéophobes par le fait qu’un salafiste candidat aux législatives du 7 octobre à Marrakech, introduisant pour la première fois dans l’histoire du Maroc un discours antisémite au sein de la représentation nationale, implorant Dieu à exterminer les juifs du monde entier, au lieu de s’en tenir à la politique criminelle d’un Etat. Comme quoi l’ignorance relève aussi de l’intoxication médiatique, elle finit toujours par nous anéantir.

Disons-le. Le crime n’a pas de religion, un crime est un crime et doit être considéré en tant que tel.

Il est particulièrement dangereux de permettre à certains esprits malveillants de prendre en otage quelque religion que ce soit pour justifier leur forfait. La religion ne nous rend ni bon ni mauvais. Une religion est une religion un  point c’est tout. Ce sont nos actes et discours qui dictent notre quête d’amour ou de haine. Un cœur haineux trouvera toute la haine qu’il souhaite dans le Coran, la Bible et l’ancien testament, un cœur paisible trouvera toute la paix qu’il souhaite dans le Coran, la Bible et l’ancien testament. Nous marocains, et pour la plupart musulmans, nous savons tous que toute personne qui tente de nous expliquer que l’islam est la source du mal et non les individus, et bien cette personne est un clown. Alors pourquoi importons-nous dans nos médias une lexicologie francophone dangereuse, sans distance ni recul?

Pris dans la tourmente de la vitesse de production de l’information, victimes que nous sommes d’un suivisme nauséabond, lorsque nous utilisons l’expression importée « islam radical » ou « terrorisme islamiste » par exemple, nous associons le crime à la religion et nous confirmons la thèse de la religion qui tue et non les hommes. Ce sont en réalité les musulmans qui peuvent être radicaux, et non l’islam, la religion est innocente des crimes des Hommes. Elle est un prétexte certes, mais non la cause. Et pourtant, en ce moment même, l’expression importée « état islamique » continue de remplir les colonnes de nos rédactions.

Comment rendre ce message audible ici et ailleurs ? Comment éviter que nous, médias marocains, ne participions pas à notre insu à l’exacerbation des tensions, à la haine et à la division? Comment éviter de succomber au langage du plus fort et à la construction d’une sémantique dévastatrice? Avons-nous la capacité de résister et de créer notre propre lexicologie médiatique, nos propres définitions? Faut-il attendre de voir qu’aucun « chirurgien » ne viendra nous soigner lors d’une frappe « chirurgicale » pour le croire? Autant de points que nous soulèverons tout de suite dans le débat.


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