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Fusako Shigenobu

Soleil levant sur Beyrouth


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Fusako Shigenobu

Cela semble d’une époque lointaine. Pourtant, ça pèse lourdement sur notre présent. 1968, au Japon, fut beaucoup plus agitée que dans les rues pittoresques du Quartier latin parisien. C’est que les militaires américains y utilisaient leurs bases pour faire transiter hommes et napalm. Depuis le début des années 1960, étudiantes et étudiants, voire hommes politiques, meurent lors de nombreuses grèves et manifestations. Le 18 janvier 1969, pas moins de 8500 policiers japonais prennent d’assaut l’université Todai. Il y a 768 arrestations. En avril, 956 autres personnes sont emprisonnées. Le mouvement étudiant est brisé. Il explose en groupuscules d’extrême gauche. L’un d’eux s’appelle la Faction Armée Rouge. Parmi ses membres, on compte la jeune Fusako Shigenobu. Son parcours familial est particulier. Son père, instituteur, était avant-guerre un membre d’une organisation ultranationaliste appelée au nom suggestif de Ligue du Sang. Il se dit qu’il était versé dans les arts martiaux, ce qui n’aurait rien d’étonnant pour son profil. Après le choc de la défaite de 1945, il a rallié le parti communiste japonais. Mais, on le voit, sa fille a préféré la voie beaucoup plus radicale, comme on disait alors, de la lutte armée. Après moult péripéties, détournements d’avion, enlèvements, purges internes et autres attaques d’ambassades à travers le monde, Fusako Shigenobu a été arrêtée en 2000 à Osaka, à la surprise générale, et condamnée en 2006 à vingt ans de prison.

Mais, fin 69, les forces de l’ordre découvrent que la Faction suivait un entrainement militaire en vue d’enlever le Premier ministre. S’ensuivent 89 arrestations. Le 31 mars 1970, neuf membres de la FAR détournent un Boeing 727 de la Japan Airlines vers Séoul, où les otages sont libérés, puis vers la Corée du Nord, où la plupart des pirates finissent leur vie. Après un séjour à l’ombre, Fusako Shigenobu part, elle, à… Beyrouth. Elle y fonde ce qui sera l’Armée Rouge Japonaise. Ses affiliés lui apportent le butin de différents braquages et cambriolages : un stock d’armes et plus de dix millions de dollars. Elle obtient l’appui du Front populaire de libération de la Palestine, le FPLP de Georges Habache. La rumeur prétend que Fusako Shigenobu va nouer une relation amoureuse avec l’un des cadres palestiniens, mais on ignore lequel. Toujours est-il que, le 30 mai 1972, son mari — japonais — attaque avec un commando l’aéroport de Lod, qui ne s’appelait pas encore Ben Gourion, à Tel-Aviv et, cédant opportunément au romantisme de la révolution prolétarienne, s’y fait exploser avec ses propres grenades.

Le premier attentat suicide en terres palestiniennes ressemble à s’y méprendre à un acte, sinon de samouraï — eux, au moins, suivaient un code exigeant —, en tout cas de kamikaze. La culture nationaliste du père de Fusako Shigenobu permet l’usage du terme. Mais les milices actives ou naissantes dans la région ne se poseront guère de questions sémantiques. La tactique de l’attentat suicide sera utilisée et développée par des gens comme le Hezbollah ou, plus tard, le Hamas. Sans état d’âme. Rajoutons à cela que — si l’on en croit Barbet Schroeder dans son film de 2007 sur Jacques Vergès, L’Avocat de la terreur — c’est Wadie Haddad, du même FPLP et d’origine chrétienne comme Georges Habache, qui va le premier, théoriser l’idée des cellules dormantes à travers les capitales du monde. Il n’aura pas le temps de monter un tel réseau. Mais on sait qu’un millionnaire saoudien, « Freedom Fighter » formé par la CIA en Afghanistan, a su, dans les années 90, s’en construire un des plus efficaces. Évidemment, entretemps, le marxisme a été englouti dans ce gloubi-boulga globalisé de la guérilla mondiale qui nous est maintenant revendue comme étant d’on ne sait quelle « identité islamique » — par ses défenseurs autant que ses contempteurs, utiles alliés des premiers. Oussama Ben Laden et ses suiveurs ont aussi retenu du marxisme-léninisme ultra que la fin justifierait les moyens. Voilà qui est autant contraire à l’islam que le suicide ou de porter la main sur des non-combattants — à supposer qu’une guerre soit déclarée, dans les règles —, qu’ils soient rabbins, prêtres, moines, vieillards, femmes ou enfants.

Avec l’un de ses groupes, The Auteurs, le très underground musicien anglais Luke Haines a sorti en 1996 un album de pop, soignée, qui revisitait brillamment le genre glitter. Un journal aussi consensuel que Télérama saluait un talent qui avait su capter quelque chose comme « le dernier romantisme des années 70 ». Les textes racontaient, avec une ironie mordante, l’histoire du couple terroriste allemand, Baader Meinhof, titre du disque.


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