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Le Soft power : politiquement correct et dialectique


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Récemment, un auditeur m’a suggérée de parler de soft power, cet outil merveilleux et trop longtemps négligé dans notre beau royaume. Le problème, c’est que je n’en ai pas exactement la même image.

Ben c’est-à-dire que le principe, vous le connaissez tous, je suppose. L’idée, développée à la base par le professeur américain Joseph Nye dans les années 90, est qu’un acteur institutionnel, un pays ou bien un lobby peut exercer un pouvoir important de manière non coercitive, par la suggestion et l’utilisation de médias influenceurs ou bien de produits culturels. Mais en fait, ça remonte à loin, cette affaire, puisque c’est la base même du colonialisme du XIXème siècle. Que serait l’Empire Britannique sans la littérature qui permet de célébrer la culture anglaise ? Dr Livingstone, I presume et autres anecdotes culturelles visant à démontrer la supériorité du flegme britannique sur le reste du monde, son fair-play et même, oui, même ! Un concept que l’on aime bien à Luxe Radio, l’élévation culturelle du club privé où l’on discute des affaires du monde, entre hommes, bien sûr, loin des affaires du quotidien.

Le problème, c’est que ce soft power, pour être soft, n’est malgré tout qu’une forme subtile de communication et de manipulation de l’opinion publique, via des éléments culturels et médiatiques, au profit de ceux qui sont en mesure de contrôler lesdits éléments. Et ça, ma foi, relève encore une fois de ce dont je vous parle constamment : la fabrique du consentement. Utilisé par les états, c’est ni plus ni moins que de la propagande, renommée pour faire mieux, mais c’est à peu près tout. Et l’état commanditaire d’œuvres d’art sait bien ce qu’il fait, qu’il s’agisse de l’architecture monumentale, qui a toujours servi à transmettre des messages, à l’armée américaine mettant à disposition de Hollywood son matériel pour tourner des films plus vrais que vrais montrant la grandeur du patriotisme.

Appliquée par des groupes de pression, des lobbys etc., la théorie du soft power est une manière d’imposer, via des systèmes incitatifs de régulation des politiques allant dans leur sens, en privant par la bande les citoyens de leur regard sur les normes appliquées à leur société puisque, généralement, on élit les instances législatives mais les organes de régulation inventant les normes ISO tout ce que vous voulez sont privés.

Mais l’effet le plus pervers et le plus prégnant du soft power, c’est de rendre inévitable le politiquement correct dans ce qu’il a de plus déresponsabilisant, débilitant pour la pensée et, in fine, dangereux. Par définition, puisque vous utilisez des moyens détournés pour convaincre le plus grand nombre du bien fondé de votre point de vue, vous ne permettez pas la discussion. Est-ce que je vais débattre avec le Soldat Ryan ? Non, bien sûr. Pourtant, c’est à partir de ce film que les États-Unis ont commencés à remettre en avant l’idée de la grandeur de l’armée déployée au sol, idée qui avait été battue en brèche par la guerre du Vietnam et, oui, des photos de presse, des films aussi comme Platoon, notamment. Alors le politiquement correct, là-dedans s’impose et nage comme un poisson dans l’eau. Changer les termes du débat, les rendre inoffensifs, surtout, les enrober de culture et de pop, de starification et de glamour et voyez si le discours sécuritaire n’est pas justifié par un 24h chrono qui nous dit que oui, tout de même, la torture, c’est mal, mais quand on est américain, on meurt 4 fois sans rien dire, tandis que quand on est un terroriste, non seulement la torture fonctionne et elle est justifiée, mais en plus, elle démontre la faiblesse morale de l’ennemi. Regardez une série après l’autre le monde se réformer sous vos yeux. Et vous n’avez plus ni les moyens, ni les mots pour débattre d’un monde qui échappe de plus en plus aux citoyens niés et manipulés dans la joie du marketing dialectisé et célébré.


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