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Les identités « salvatrices »


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Aujourd’hui, il n’y a pas un endroit où on ne vous parle pas de tolérance, de village planétaire, de métissage culturel, de bonne gouvernance ou de vivre-ensemble. Que vous allumiez la télé ou la radio, que vous alliez dans des conférences, des colloques ou des débats, le mot d’ordre revient systématiquement. Ça me rappelle une blague soviétique qui racontent que les russes étaient tellement gavés par les discours de Brejnev et des éloges faites à son égard sur toutes les chaînes publiques, qu’ils avaient peur d’allumer leur fer à repasser, de peur d’y entendre Brejnev parler.

Cette soupe mondialiste, nouvelle forme de totalitarisme, est devenue un mot d’ordre qui nous contraint à adhérer bon gré mal gré à un monde de Mickey et de Bisounours, nouvelle doxa où le vivre ensemble devient au final, une obligation de vivre ensemble, et où on peut se haïr mais sans le dire car ce n’est pas politiquement correct.

Et dans ce paradigme en apparence charmant et mielleux, il est prohibé de parler de ce qui nous distingue, nous sépare et fonde notre altérité. Ainsi, on ne parle plus de religion mais de spiritualité, on ne parle plus d’origine ou de filiation mais de parcours de vie, on ne parle plus de nations ou d’ethnies mais d’humanité, et on ne parle plus non plus d’histoire mais de mémoire, au risque d’atteindre très rapidement le point « godwin », et de se voir infliger l’anathème du « reductio ad hitlerum ».

La démagogie du vivre ensemble, passe donc par la négation de l’altérité et par le nivellement des identités qu’on nous dit meurtrières, en d’autres termes par leur déconstruction. On lutte sur un plan rhétorique contre un éventuel apartheid ethnique ou religieux, mais pour mieux cacher un apartheid économique, car le discours du vivre ensemble, tend, in fine, à cacher les rapports de classes et les schémas subtils de domination.

Cela passe naturellement par la langue, principal vecteur d’assimilation des individus à la communauté, à la société et au groupe, et qui permet d’accéder au concept et au savoir. Mais quand une langue devient « novlangue », et quand le vocabulaire populaire est ravagé à coup de néologismes translinguistiques, le potentiel de subversion d’un peuple s’en trouve atrophié.

Il est à noter que la finalité de la « novlangue » est la disparition à terme de toutes les nuances d’une langue. Par exemple un large spectre de mots et de nuances traduisant une émotion positive comme « c’est agréable, c’est plaisant, c’est jouissif, c’est apaisant », sont immédiatement annihilés par deux mots : « C’est cool ». Ainsi, plus une langue s’appauvrit, moins elle permet l’intelligence, la finesse et la subtilité de la pensée.

L’appauvrissement du vocabulaire des classes moyennes et inférieures et la déstructuration progressive de la langue, expliquent en grande partie l’aliénabilité et l’incapacité des peuples aujourd’hui à raisonner et à voter selon leurs intérêts de classe, votant massivement, tantôt pour des mouvances populistes sans profondeur idéologique qui jouent sur l’émotionnel, tantôt pour leurs pires ennemis, les mouvances néolibérales qui jouent sur la peur.

La manipulation de la langue, est par conséquent l’un des principaux mécanismes de domination et d’aliénation des peuples par le système. À titre d’exemple, le concept de « gouvernance » ou de « bonne gouvernance », terme en apparence inoffensif et  désormais en vogue dans les milieux managériales, patronaux mais également publics, que tout le monde utilise mais que personne ne saurait définir, constitue aujourd’hui l’un des principaux  paradigmes de domination conceptuelle.

Il est par conséquent important de comprendre que sur le plan linguistique, le mot « gouvernance » est le participe présent du verbe « gouverner ». Et en français, c’est le temps de verbe le plus faible. C’est comme si on disait « guerrance » au lieu de guerre, ou « marchance » au lieu de « marcher ». C’est au final un terme sans résonance philologique, dont le but est le flou et l’ambiguïté, comme le décrit Alain Deneault dans son ouvrage « Gouvernance : Le management totalitaire », permettant ainsi une gestion néolibérale décomplexée de l’économie et de la société, grâce à la force d’aliénation et d’enrôlement que la « novlangue » permet.

  • On remplace donc le mot « gouverner» par le mot « manager»
  • Le « peuple» par la « société civile ».
  • L’ « Etat providence» par l’ « Etat partenaire ».
  • L’ « idéologie» par la « technique ».
  • L’ « intérêt général» par « la rationalisation de la gestion ».
  • La « démocratie» par la « gouvernance ».
  • La « géopolitique» et « les relations internationales » par « le village planétaire » et la « gouvernance mondiale ».

Et dans ce contexte mondial de crise économique, sociétale et identitaire, les colères populaires légitimes, guidées au départ avec pertinence par un instinct populaire qui se trompe rarement de cible, finissent par dériver ou par être récupérées par un opportunisme politique en manque d’idéologie. Ces derniers profitent d’une situation d’effondrement culturel et d’acculturation avancée des peuples, désormais privés du maniement du Logos et des concepts par la « novlangue » et la « soupe médiatique », ce qui peut finalement aboutir à des identités meurtrières sous une forme ou une autre, où à une plus grande mainmise du système mondialiste néolibérale.

C’est pour cela qu’en tant que souverainistes marocains, nous considérons qu’en plus de l’impératif de reconquête des fonctions régaliennes pleines et entières de l’Etat, il est impérieux et vital de reconquérir le terrain du concept, de la langue, de l’histoire, de la religion et par conséquent de l’identité marocaine, afin de redonner au peuple les moyens conceptuels de se penser lui-même, et donc de penser l’autre. Et c’est parce que nous prônons un souverainisme ouvert sur le monde, que nous affirmons qu’on ne peut être en paix avec l’autre, si l’on ne l’est pas déjà avec soi-même, sa culture et son identité, et on ne peut aller vers l’autre si on ignore qui on est.


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