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Laisse flotter les rubans


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Cette semaine, on apprend que dans sa grande mansuétude et ouverture d’esprit, le roi d’Arabie Saoudite a décidé d’accorder aux femmes le droit de conduire… À condition qu’elles aient plus de 30 ans, au centre-ville, avec autorisation express de leur tuteur légal et entre 7h et 20h du samedi au mercredi.

Ouais, tout d’un coup, je les sens beaucoup moins libérées, les saoudiennes. En même temps, en matière de droits des femmes, j’ai comme l’impression que c’est souvent comme ça. Tenez, on a interviewé notre ministre de l’égalité à nous, Bassima Hakkaoui. Et on lui a demandé, comme ça, directement : est-ce qu’à la fin de votre mandat, on aura l’égalité ? Réponse du tac au tac : oui, absolument. En matière d’héritage ? Non, absolument pas. Dès le lendemain, on apprenait toutes les réserves émises par notre ministre des droits de l’Homme, sur l’héritage, les droits des femmes, des enfants nés hors mariage, etc.

Oui, les femmes sont bel et bien dans la voiture, mais encore et toujours sur le siège arrière. Je ne devrais pas être surprise – d’ailleurs, je ne le suis pas. C’est en 2008, qu’on avait des raisons de l’être, quand le Maroc avait levé toutes ses réserves sur la Cedaw, la convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes ; mais ça n’a pas duré. La Constitution de 2011 nous expliquait déjà que les constantes du royaume nous bloqueraient toujours.

Ce que je ne comprends pas, cependant, c’est pourquoi ? Oui, c’est vrai, pourquoi ? Ne me dites pas la religion, car franchement, sur ce coup, elle est bien innocente, le sexisme n’est pas spécifique à la culture musulmane, ni même religieuse d’aucune sorte. Non, c’est comme s’il s’agissait d’un fait du monde, c’est comme ça, pas de bol, l’humanité est sexiste, comme d’ailleurs elle est souvent xénophobe et intolérante. Alors la femme, cet autre trop dissemblable ? Ou bien l’opprimé bien pratique qu’on veut garder sous le coude, de peur qu’il nous échappe ?

N’en déplaise à Brigitte Bardot – ou aux saoudiens, nous laisser le volant de notre destinée ne nous fait naître aucun désir que nous n’ayons déjà eu avant. C’est comme cette histoire de femmes guerrières : ben ouais, ça a toujours été nous, en fait. Il n’y a jamais eu de temps, connu ou non des moins de 20 ans où toutes les femmes ont accepté de bon cœur d’être les moins égales que d’autres.

Certaines acceptent, c’est vrai : une forme de marché faustien où être dominée, c’est avoir une place, un statut. Marché de dupe, toujours, dont on sait qu’il fut celui que désiraient, oui, volontairement quelques esclaves en leur temps aussi. Et ô combien servirent-ils de justification aux planteurs du sud, pour défendre la Confédération ! Là encore, on parlait de valeurs, et de protection, et d’ordre naturel des choses.

Il aura bien fallu le changer, cet ordre. Reste les discriminations. Si elles n’étaient pas institutionnelles, peut-être pourrais-je les supporter ? Parfois, quand les bras m’en tombent de découragement, me reste le plaisir de manipuler la langue, avec le sentiment, comme ça, aussi peu que ce soit, de faire avancer les choses. Alors t’occupes, Melanie, puisque tu ne peux pas conduire, pousse la voiture et laisse flotter les rubans.


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