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Radio Libre

Discours d’Abdessamad Aboulghali fondateur de Luxe Radio, tenu ce matin à l’occasion de la fête de la Radio Libre, au Four Seasons Casablanca.

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Discours d’Abdessamad Aboulghali fondateur de Luxe Radio, tenu ce matin à l’occasion de la fête de la Radio Libre, au Four Seasons Casablanca.

 » Mesdames et Messieurs,

Pendant ces dix dernières années, la radio libre a montré avec un grand succès sa capacité à accompagner la construction démocratique du Maroc. Nous avons libéré la parole des marocains et inventé ce que d’autres appellent « les soupapes » de la société. Nous avons informé les citoyens tous les jours, avec responsabilité et rigueur, car nous pensons que des gens mal informés ou désinformés ne pourront pas régler les problèmes de leur quotidien. Nous avons dialogué, échangé et débattu dans le but de construire un consensus avec les citoyens autour d’un avenir commun, partagé et paisible pour chacun et pour tous, quelle que soit la religion, la couleur de peau, le sexe, le statut social ou l’origine ethnique. Cette démocratie en construction est aujourd’hui, 10 ans après notre naissance, devenue un acquis, certes, mais un acquis qui nécessite plusieurs transformations, compte tenu de l’évolution technologique, de la vitesse de circulation de l’information, et surtout des nouveaux enjeux politiques et géostratégiques liés à des événements chaotiques qui se passent un peu partout dans le monde.

Nous sommes fiers du travail effectué pendant ces dix ans par nos journalistes,  animateurs, chroniqueurs, réalisateurs et  programmateurs musicaux, nos reporters et nos producteurs, nos ingénieurs du son ainsi qu’à l’ensemble des parties prenantes de notre métier, nos clients et partenaires, notre régulateur à savoir la HACA qui, par le sens de son engagement et l’intelligence de son approche, a été l’un des piliers de notre épanouissement culturel et professionnel, les autorités qui ont manifesté leur sens de l’écoute et de l’intérêt général à chaque fois que nous les avions sollicitées, et enfin de compte à Sa Majesté le Roi qui a décidé au tout début de son règne que la libéralisation audiovisuelle allait être le garant d’une démocratie en construction et le facilitateur d’un vivre ensemble dans une époque où la déstabilisation des états est devenue une partie de plaisir pour des enfants gâtés, élevés aux jeux de guerres sur internet et à qui détruira le plus grand nombre de villages virtuels.

Aujourd’hui, 10 ans après la naissance de la radio libre, nous appréhendons avec fierté et humilité cette vision royale à sa juste valeur et nous rendons hommage au Roi  Mohammed 6. Grâce à lui, nous nous tournons aujourd’hui vers les radios africaines libres pour jeter ensemble les jalons d’un avenir commun, intelligent et en croissantes liberté et sécurité.

Car voyez-vous chers amis, la presse radiophonique libre, qu’elle soit récréative, professionnelle ou d’intérêt général, définira désormais sa liberté de par les outils qu’elle sera prête à confier à ses auditeurs. Incontestablement, la liberté qui compte le plus, c’est la liberté des auditeurs. Il ne sert plus à rien que l’on s’identifie comme radio libre si cette liberté ne se retrouve plus entre les mains de ceux qui reçoivent nos messages. Finie l’époque où la radio libre se définissait par sa structure capitalistique indépendante, ce formidable mythe qui viendrait par magie nous débarrasser des pressions et des difficultés. Nous avons tous des pressions qui nous viennent de partout, et c’est tout à fait normal que nous aussi nous rendions des comptes. Pression des auditeurs lorsqu’ils ne veulent pas confronter leurs certitudes à des avis divergents, pression des partis politiques lorsqu’ils vous reprochent l’impartialité dont a fait preuve votre journaliste dans le traitement de leur actualité, pression du marché publicitaire ne réagissant qu’aux effets de taille et de marque, pression de vos équipes internes qui souvent résistent au changement ou à l’intégration de nouvelles techniques de production de l’information.

Mes chers amis, ce n’est plus la radio libre qui est garante de la démocratie, mais plutôt la démocratie au sein de la radio qui garantira la liberté des auditeurs. Ce qui nous attend durant les années à venir en tant que radios africaines libres et démocratiques, c’est de redéfinir les représentations que nous faisons de nos  récepteurs, en tenant compte de leurs histoires, leurs valeurs, et leurs traditions. Le deuxième point est d’interpeller l’écosystème de la radio libre sans hésiter à déplacer le centre de gravité de son financement, car s’il faut bien intégrer la transformation digitale et nous ne disons pas le contraire, il faut être vigilant et doublement prudent quant au maintien plus que jamais  du sens et de la connaissance, l’essence même de la communication des Hommes. La vitesse de la technique, faut-il le rappeler, ne pose pas de problème pour la facilité du mensonge, alors que la vérité, elle, est plus difficile car elle nécessite du temps et de la hauteur d’esprit. Nous voici dans l’ère de la multiplicité des sources d’informations ne signifiant nullement la multiplicité des opinions. Le pluralisme est menacé par les concentrations capitalistiques des grands groupes de médias internationaux, propriétaires aussi des tuyaux de l’information, mais pas seulement.

La gravité des discours menant à l’exclusion une partie de la population, a atteint durant cette dernière décennie des proportions épidémiques et c’est mon troisième point. Si la radio africaine libre pense que son rôle est d’abord patriotique, d’unité, de rassemblement et de vivre ensemble, alors elle se doit de développer des outils de résistance positive, déceler les comportements atypiques des traitements étrangers de l’actualité, lutter contre le conformisme émotionnel qui est un procédé très efficace pour préparer les guerres humanitaires, lutter contre la mal information et la désinformation, résister au mythe du village planétaire qui consiste à nous faire croire que la vitesse de traitement de l’actualité est un progrès qu’on ne peut questionner, qu’un « taux d’engagement » élevé d’une publication sans culture ni légitimité, serait synonyme de succès, et que facebook est un réseau social alors qu’il est surtout le plus grand média de la planète. Il y a une semaine, une étude provenant d’étudiants américains montrait que le »trending » de facebook, le moteur de recherche du « réseau social » qui arrivera bientôt au Maroc, reposait sur un algorithme de recherche privilégiant une hiérarchisation « progressiste de gauche » et partiale de l’information alors que de manière classique, c’est le rédacteur en chef qui classe les informations. Lorsque l’on sait que sur 50% des recherches Google, les consultations vont uniquement aux 2 premiers résultats, il devient primordial de mener des réflexions sur l’idéologie même de la communication et des cheminements algorithmiques qu’elle emprunte.

Les perceptions que nous transmettons à nos auditeurs sur les choses ont un impact sur leur comportement. La malbouffe, lorsque vous ingurgitez des hamburgers tous les jours, est au corps ce que la mal information est à l’esprit lorsque vous ingurgitez à petite dose et de façon continue  un traitement accéléré au formatage international, processus au bout duquel on ne retient plus rien du tout, et qui n’a d’autre but que de distiller un effet démobilisateur face à la division, à la stigmatisation de l’autre, et à l’idée de l’amputation d’une partie de la population comme solution idoine pour que la société rencontre le bonheur.

Le Maroc, terre d’accueil des cultures et des religions, a tenu bon face à ceux qui ont tenté de semer les graines de la division au sein de la société marocaine par la désinformation et la manipulation. Nous, les radios libres, nous avons contribué à cette défense, et nous sommes prêts à travailler sans relâche pour protéger l’unité de notre pays, les causes de notre nation et la liberté de nos concitoyens.

Chers amis, ce qui nous attend est une réinvention de la radio libre africaine, qui œuvre pour le vivre ensemble, qui nourrit et protège l’intelligence de ses citoyens, qui repose la question des rapports avec les acteurs de son écosystème, une radio libre, patriote et démocratique, pour les africains et par les africains, fière de l’ensemble des composantes de sa société, et qui n’a aucune tolérance face aux nouvelles formes argumentaires et techniques de rationalisation de la haine et ce, quel que soit l’affect ou le ressentiment sur lequel elles surfent, quelle que soit la modernité dont elles se prévalent et quel que soit l’habit qu’elles empruntent. Car en fin de compte, si nous acceptons de trahir nos propres esprits, nos corps ne nous le pardonnerons jamais.  »

 

Abdessamad Aboughali,

Fondateur et Président du Directoire de Luxe Radio, à l’occasion de la Fête de la Radio Libre du 17 Mai 2016, au Four Seasons Casablanca.


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