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La bisounoursie est un sport de combat


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Ah… ça faisait longtemps ! Alors, pour cette première chronique d’une toute nouvelle série du « Monde des Bisounours », et si nous redéfinissions un peu les termes, voulez-vous ? On m’appelle Bisounours et j’ai décidé d’endosser ce surnom il y a bien longtemps déjà. Non pas que je ne sache pas la dimension de raillerie, parfois tendre, parfois moins, qui se cache derrière ce qui n’est, soyons clairs, guère plus qu’une accusation de naïveté et d’idéalisme béat, mais parce que j’estime qu’il est possible d’être sérieux, réaliste, d’analyser et voir le monde dans toutes ses dimensions parfois cruelles, sans pour autant perdre espoir.

Certes, il arrive souvent, à voir l’actualité, que l’on puisse se sentir submergés par le pessimisme. Entre les affaires de bus, d’ânesse, de manifestations dans le nord, de gamins en prison, d’autres en tcharmil, de terrorisme ici et de racrapotage religieux, idéologique, nationaliste ou autre, c’est sûr qu’on a vu meilleures périodes pour rêver.

Mais pour autant, en vérité, en vérité, je vous le dis, il n’y a pas plus de vertus de réalisme à se montrer cynique qu’engagé. Et l’engagement humaniste n’est pas, contrairement à ce que l’on voudrait vous faire croire, naïveté ou droit-de-l’hommisme délétère. Voir en l’humain son frère, même quand on en a peur, n’est pas manquer de sérieux, c’est un sport de combat. Et au-delà de tout, c’est refuser d’être un champignon.

Oui, un champignon, dans le sens du Petit Prince, qui se fâche, à juste titre, quand on lui dit qu’on est sérieux alors qu’on ne sait plus aimer. «Je connais une planète où il y a un Monsieur cramoisi [dit-il]. Il n’a jamais respiré une fleur. Il n’a jamais regardé une étoile. Il n’a jamais aimé personne. Il n’a jamais rien fait d’autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi:  » Je suis un homme sérieux! Je suis un homme sérieux!  » et ça le fait gonfler d’orgueil. Mais ce n’est pas un homme, c’est un champignon! » Voilà, un champignon, dans ce sens-là.

Pourtant, je vous l’ai dit, je ne suis pas une illuminée, je ne suis pas là pour vous vendre qu’à coup de développement personnel ou de drogue, le monde sera plus facile. Non, la bisounoursie, c’est le contraire de l’ignorance et c’est du travail. C’est un engagement. C’est reconnaître, avant toute chose, que lorsque le monde semble nous échapper, il ne s’agit que d’une illusion et parfois d’une excuse trop facile, un dédouanement de ce qui se produit et qui nous déplaît. C’est, sans doute, ces gens dans le bus qui n’interviennent pas, ces parents d’une jeune fille vulnérable qui ne prennent pas en compte sa parole, parce qu’elle est handicapée mentale et que peut-on bien faire, je vous le demande ?

Ce sont tous ces gens témoins, parfois complices silencieux de crimes, d’horreurs, d’injustice ou tout simplement de ce sentiment de plus en plus généralisé de méfiance et oui, il faut bien le dire, de haine, qui ne font rien pour changer les choses. Il faudrait parfois si peu, pourtant. Pas pour changer tout, non. Juste pour changer un peu, et puis un peu encore. Arrêter le bus et dire : mais qu’est-ce qu’il se passe, ici ? Ne pas rire à une blague raciste, sexiste, homophobe. Sourire à la caissière. Etre polis. Créer du lien et résister, un geste fraternel à la fois, à cette vague déshumanisante qui vous fait sentir impuissant, négligeable, insignifiant dans la marche d’un monde de glace et de sang.

« Je hais les indifférents », disait en son temps Antonio Gramsci. « L’indifférence, c’est l’aboulie, le parasitisme, la lâcheté, ce n’est pas la vie. C’est le poids mort de l’histoire. C’est le boulet de plomb pour le novateur, c’est la matière inerte où se noient les enthousiasmes les plus resplendissants. » Vas, je ne te hais point, khouya, car je le sais bien, qu’il n’y a pas d’indifférents.

Il n’y a que des apeurés, des découragés, des dévitalisés à force de fermer les yeux. Mais même alors que le Maroc, ce pays dont j’admirais la capacité extraordinaire à espérer en l’avenir semble perdre son chemin, un mouton vert de rage après l’autre, je te le dis : tous les jours, des gens s’engagent pour faire que demain soit plus beau qu’aujourd’hui. Et le pire n’est pas plus certain que le meilleur. Engagez-vous, avec un peu de chance, vous verrez du pays !


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