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2016

2016, année du grand repli?


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2016

Le début de l’année a démarré fort, avec une bourse en décapilotade complète, les grands indices perdant quasiment 20% en moins de deux mois ; des tensions un peu partout laissant pressentir des conflits déplacés entre Iran et Arabie Saoudite notamment ; toujours le chaos au Moyen-Orient ; une Mer de Chine rendue inquiète par le ralentissement économique, l’armement de tout le monde et un séisme provoqué par un essai nucléaire nord-coréen ; une Amérique du Sud qui voit son modèle s’effondrer, pays par pays ; une Europe de plus en plus isolée et fragmentée de retours de nationalismes, entre une Russie affaiblie et une Turquie au bord de la crise de nerfs; bien entendu, encore des attentats, bref ! La cour est pleine, n’en jetez plus. Il est temps d’essayer d’analyser tout cela et comprendre, sur un instantané du point de bascule, ce à quoi on est confronté.

C’est le plus effrayant et le constat le plus généralisé : ce que je disais de l’Europe fragmentée et isolée est vrai de plus en plus d’acteurs. Eh oui, force est de constater que les grands ensembles mis en place jusque-là ne fonctionnent plus ces derniers temps et tout le monde a amorcé un repli sur ses propres intérêts. L’Europe, donc, je l’ai déjà dit, a montré son incapacité à se trouver des solutions en se désolidarisant et sur la crise financière, et sur la crise migratoire, le tout en se coupant de possibilités d’alliances évidentes avec la Russie ou bien la Turquie par exemple, du fait d’un alignement US pour le moins étrange et dysfonctionnel. Mais ailleurs, ça n’est pas vraiment mieux. Si l’on prend les BRICS, par exemple, qui ont bien failli réussir fin 2014 à s’imposer avec une banque de développement et pas mal d’attaques sur le dollar auront bien des difficultés à se coordonner cette année. Le Brésil n’a pas d’autre choix que de s’occuper de ses problèmes internes, ubuesques, entre crise sociale, politique, économie en phase d’effondrement et monnaie en déconfiture. Reste l’Inde qui se veut de plus en plus ouverte et ça tombe bien, puisque Narendra Modi assure la présidence des BRICS, sauf que… L’Inde commence déjà à se faire piéger dans les tensions entre Chine et Japon et son rapprochement avec le pays du Soleil Levant, économiquement nécessaire, se fait au détriment d’un équilibre qu’il ne sait plus maintenir du fait de fumet malodorant de xénophobie anti-chinois. Et puis, comment équilibrer ses relations extérieures avec le Pakistan, notamment ? Bref, la solution ne viendra pas des émergeants et, quoi qu’en dise la Coface pour assurer de nouveaux crédits, les néo-émergeants, comment dire ? J’ajouterais à ce tableau d’apocalypse des grands ensembles l’incapacité du monde à faire  front commun face à la crise du réchauffement climatique, l’incapacité des pays producteurs de pétrole à s’entendre pour remonter les cours alors que c’est vital pour une bonne part d’entre eux, l’incapacité des partenariats économiques, aussi multipartites soient-ils, à assurer la prospérité et rééquilibrer les balances commerciales des uns et des autres, le réarmement de tout un chacun à grande vitesse, bref. J’ai le sentiment que tout le monde est en train de compter ses abatis et que le spectacle n’est pas joli-joli.

Et je n’ai même pas encore parlé du Moyen-Orient. Or là, comment dire ? Si 2015 nous a appris quelque chose, c’est que l’OTAN ne fonctionne pas, la coalition internationale est une plaisanterie et tout le monde tire à hue et à dia en fonction de ses propres intérêts, sans quoi Daesh ne serait plus qu’un mauvais souvenir ayant laissé la place à d’autres problèmes, certes, mais bon, des nouveaux, quoi. Alors c’est vrai que Barack Obama, en ramenant l’Iran dans le concert fort dissonant des Nations a permis une bascule des alliances. On délaisse de plus en plus l’Arabie Saoudite dont les positionnements douteux sur le plan religieux et vis à vis de Daesh font peur aussi bien aux États-Unis qu’à Israël. Sans compter que ses tensions internes et ses problèmes économiques n’en font pas un allié très stable. Mais on ne reconstruit pas en un jour la confiance nécessaire à une véritable alliance avec l’Iran après 20 ans d’ostracisation sauvage ; et les slogans anti-américains, pour plus traditionnels qu’autre chose soient-ils, continuent de résonner.

Bref, oui, le sentiment dominant donné par tout ceci, c’est que si le monde n’est certes plus bipolaire, il n’a pas réussi à devenir vraiment multipolaire non plus. Les états sont isolés, en repli, méfiants vis-à-vis des voisins, prompts au réarmement, au discours nationaliste délétère, non pas celui qui construit le sentiment national mais celui qui attaque l’autre, bref. Le grand repli, quoi. Celui qui rejette l’autre hors de soi, celui qui décrédibilise toutes les tentatives d’accords mondiaux sur les grands sujets, tous les G8, G20 et autres grandes-messes de la mondialisation heureuse, celui qui tente de trouver une solution à la finance effectivement mondialisée mais de nouveau en très grosse crise sans que personne, surtout, ne veuille faire la lumière dessus. Hush hush sur un processus de dédollarisation à son apogée, avec l’arrivée du Yuen dans le panier des devises du FMI notamment.  Ah, et on en parle, de la déflation presque généralisée, oui, même si le dollar remonte, lui, en ce moment, du coup.  Non, parce que ça anéantie les efforts des traders, les pauvres, qui s’étaient tournés vers les obligations à risque des entreprises pour faire leur beurre sur de bons rendements et qui se trouvent confrontés à… Non, vraiment, on ne parlera pas de crise, j’ai dis. Pas devant les enfants, ce serait cruel, mais enfin, tout cela ressemble avec le recul à une autre bulle qui serait en train d’exploser, mais en douce, quoi.

Bon, là on ne sait plus si on parle du rêve des migrants qui ne migrent plus et s’échouent morts ou désespérés sur les plages de Lampedusa ou de Turquie ou si l’on parle des pays dont les rêves de développement harmonieux sur une terre devenue toute petite s’effritent beaucoup mais le constat est le même : plus de solidarité, beaucoup de solitude et un grand repli. Pourtant, et alors que l’heure n’est pas franchement à l’optimisme chez la majeure partie des Think Tank d’analyse politique, ce week-end, une nouvelle m’amène à reconsidérer un peu les choses. La Chine, dont tout le monde dit qu’elle est en repli économique mais aussi partiellement politique, est en train de se positionner au Moyen-Orient. C’est-à-dire qu’après que les régulateurs actuels qui devaient régler les problèmes non seulement de Daesh mais, même avant, de conflit israélo-palestinien, après qu’ils aient finis de démontrer leur incapacité à faire quoi que ce soit, donc, la Chine se déclare prête à défendre la Palestine qu’elle veut indépendante mais aussi : investir en Egypte, Syrie, Libye, au Yémen, au Liban et en Jordanie ; soutenir un axe sécuritaire sino-arabe et collaborer avec le Qatar et les Emirats Arabes Unis sur le plan énergétique. Alors quelles régulations vont s’imposer, comment les flux vont se contrôler, en fonction de quelles considérations nationalistes, ethniques, religieuses va-t-on s’accorder ou bien se désunir cette année ? On n’a pas certes pas encore trouvé le moyen d’une gouvernance mondiale et le risque de repli est important mais les alliances se redessinent et le monde bouge, beaucoup, très vite. À défaut d’autre chose, c’est fascinant à observer.


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