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Victimes, et alors ?


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Un pouvoir judiciaire indépendant est la condition sine qua non pour le respect de l’Etat de droit et la protection des droits de l’Homme. L’indépendance individuelle des magistrats ainsi que celle de l’institution judiciaire sont absolument nécessaires. Un pouvoir judiciaire indépendant signifie au plan individuel que les victimes peuvent utilement demander réparation et que toute personne suspectée d’un crime ou d’un délit a le droit à un procès équitable.

Il signifie au plan institutionnel que les tribunaux s’assurent que les pouvoirs exécutif et législatif se conforment aux règles de l’Etat de droit. Le procès qui se tient actuellement devant la chambre criminelle de la Cour d’appel de Rabat permet de démontrer urbi et orbi que la justice marocaine est capable, quand elle le veut bien, d’organiser un procès équitable et d’assurer aux accusés d’être jugés conformément aux meilleurs standards internationaux. Et c’est la une bonne chose et un bon pas en avant.

En revanche, et même dans le cadre d’un procès aussi exemplaire, elle se montre toujours incapable d’assurer pleinement les droits des victimes. Ce n’est pourtant pas faute de textes de lois en ce sens mais plutôt en raison d’une réalité diffuse et difficilement saisissable qui veut qu’au Maroc, l’on pense souvent que la victime est au moins en partie responsable de ce qui lui arrive.

Une vraie victime est une victime parfaite et absolument immaculée. Une victime de viol doit ainsi être une personne absolument exemplaire et irréprochable pour se voir reconnaître la qualité de victime. Si sa vie contient la moindre petite aspérité, alors elle aura mérité ce qui lui est arrivé. La société marocaine dispute le plus souvent à ce type de victime cette qualité, jamais elle ne la couvre de sollicitude ou de compassion, en revanche elle lui laisse volontiers la honte et ce faisant lui interdit la justice et la réparation.

Pourtant, la loi dote la victime d’un certain nombre de moyens pour faire valoir ses droits et obtenir réparation. Les articles 82-4 et 82-5 de la loi 37-10 en apportent la preuve péremptoire. En effet, dès lors que la victime révèle l’infraction dont elle a été victime, sa plainte peut l’exposer à des représailles. Ainsi, la victime d’une infraction doit être avisée de la possibilité de protection dès lors qu’elle se présente à la police judiciaire, au parquet, devant le juge d’instruction ou la juridiction de jugement. La loi le dit mais nul ne le fait.

La victime, les membres de sa famille et ses proches peuvent par ailleurs bénéficier de mesures de protection. La loi le dit mais nul ne le fait. La victime peut demander à ce que soit mis à sa disposition un numéro de téléphone pour pouvoir appeler la police à tout moment. Elle peut aussi demander à bénéficier d’une protection physique par la force publique. La loi le dit mais nul ne le fait.

La Constitution, les Lois et les Conventions Internationales ont tout dit et en dehors de quelques articles archaïques à supprimer, ont relativement bien dit. Mais il faut maintenant cesser de dire et faire… pour qu’enfin le Maroc réel se rapproche du Maroc légal. Et ainsi, on pourra peut-être dire des membres du prochain gouvernement : certes ils n’ont rien dit, mais ils ont fait. Et si malgré tout ils souhaitent dire un peu alors qu’ils concentrent leurs palabres sur ce qu’il faut faire et non sur ce qu’il faut dire.


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