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Tracer une ligne dans le sable


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Ce matin, j’ai envie de parler de guerre. Oui, de guerre, de celle à laquelle il semblerait que nous aspirions tous, fous que nous sommes, en ce moment. Pour les meilleures raisons du monde, hein ! Et personne ne se dirait vraiment non plus qu’il veut la guerre, non. Simplement, cela paraît inévitable.

Bon, ça, d’accord, nous ne sommes pas nombreux à vouloir que cela aille jusqu’à un conflit nucléaire. À part peut-être si l’on croit les fanfaronnades de notre ami Nord-Coréen, s’entend. Mais partout, j’ai le sentiment qu’on se trouve de plus en plus de bonnes raisons de durcir le ton diplomatique, voire de rappeler ses ambassadeurs pendant qu’on se rengorge dans son bon droit national de se trouver différent de l’autre, qui est définitivement méchant.

Le mouvement est global au niveau des États : entre le Maroc et l’Algérie, où la situation est plus tendue qu’elle ne l’a été depuis bien longtemps, mais aussi entre l’Arabie Saoudite et le Qatar, par exemple. Et puis il y a ceux qui pensent que la guerre, si elle n’est pas tout de suite, n’est pas bien loin et il faudra alors bien se placer. Voilà que le Japon modifie sa Constitution pacifique, qu’on revoie les traités et les alliances et bien sûr, qu’on achète des armes en quantité délirante un peu partout.

À l’intérieur même des États, c’est la guerre. Entre les régions qui veulent l’indépendance et ne se reconnaissent plus de solidarité envers leur co-citoyens de l’autre côté du fantasme et les opposants politiques qui, cette fois-ci, s’il le faut, prendront les armes pour se faire entendre, c’est une cacophonie de vitupérations mortifères. Pareil au niveau individuel, entre les groupes sociaux et entre ces tribus temporaires que nous formons par désir d’appartenance à un ensemble dont l’empathie se restreint qu’à ceux qui sont comme moi, exactement : hommes contre femmes, riches contre pauvres, homos contre hétéros, de souche contre d’ailleurs, etc. ad nauséum. Chacun dressé sur nos ergots, nous dégueulons notre envie d’en découdre.

Pourtant ça n’a pas toujours été ainsi. Fut un temps pas si lointain où l’utopie d’un monde unifié sous une bannière universelle et idéale semblait naturelle. Pas de la même manière d’Est en Ouest, il est vrai, mais enfin, le monde était petit, il n’y avait qu’une seule humanité qui méritait de vivre, qui le rêve américain, qui la gloire communiste, mais vous comprenez l’idée : ce n’est pas que l’universalisme ou le pacifisme ait vraiment fonctionné. C’est qu’on y croyait.

Or maintenant, c’est avec une forme de jubilation mauvaise que le réalisme se transforme en attente du pire : tout va péter, vous allez voir. Ça ne peut pas continuer comme ça. Le système est foutu, faut le refonder totalement et pour ça, y a que la guerre, ou la révolution, ou le grand nettoyage. Peut-être qu’après, on pourra respirer, de toute façon, on est trop nombreux sur cette terre et y a pas assez de travail pour tout le monde. Je ne suis pas d’accord.

Parce que de même que penser qu’avec un idéal, on allait unifier tout le monde, contre l’évidence du fait qu’il y en avait d’autres tout aussi convaincus de détenir la vérité qui allait unifier tout le monde, s’imaginer qu’après une bonne guerre, une épuration, et en mettant tout sur la table, des rancœurs et des revendications, ça ira mieux c’est naïf et c’est dangereux.

Attendez, je ne vous dis pas que si on se regarde tous en frères, ça ira mieux, hein. Parce que le fratricide est sans doute l’acte fraternel le plus inscrit dans le fantasme humain. Mais peut-être est-il temps de se demander, tout simplement, ce que cela veut dire pour chacun d’entre nous d’élever des murs et de tracer une ligne de combat entre l’autre et moi, dans le sable. L’un de nous deux va mourir, et l’autre sera un assassin.

Qui peut aujourd’hui, ramener à cette réalité simple, vouloir de l’une ou l’autre perspective ? Pas vous, bien sûr. Pas moi. Pourtant, tout en nous pousse à ce résultat et il n’est pas très étonnant que certains d’entre nous, plus fragiles ou aux idéaux plus dévoyés tuent aveuglément au nom d’une conviction. Il ne suffit pas de voir en l’autre son frère, il faut y voir son avenir. Sinon l’œil sera dans la tombe et nous nommera Caïn.


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