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Capital

« Seigneur, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font »


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Capital

Entre un gouverneur de la Banque Centrale, grand techno-libéral devant l’éternel, qui s’étonne avec candeur de voir les banques spéculer, et certains rebelles antisystème qui ne rêvent que de changer de Smartphone et d’accéder un pouvoir d’achat supérieur, faisant penser à la célèbre phrase de Céline qui disait non sans une pointe de méchanceté, qu’un « prolétaire est un bourgeois qui n’a pas réussi », et un gouvernement, composé de gestionnaires du « Capital » ou en d’autres termes de technocrates jouant le rôle peu enviable de syndic de faillite, la situation est ubuesque, ironique et sans la moindre pitié pour les générations futurs.

Cette cacophonie conceptuelle, traduit avant tout le passage brutal que connait le Maroc, trop brutal, mais néanmoins irrémédiable d’un point de vue dialectique, d’une phase de domination formelle et archaïque du « Capitalisme » au Maroc, c’est-à-dire celle durant laquelle le « Capital » avait encore besoin d’idéologies, d’un Etat fort et de la dimension politique pour se diffuser et se déployer, à la phase de domination réelle du « Capital », où la délégitimation et la déchéance des corps intermédiaires politiques a ouvert la voie au « Marché intégral», c’est-à-dire à la « logique marchande en mouvement » en tant que grand planificateur et ordonnateur du réel social et économique.

Le capitalisme dans sa phase de domination réelle est désormais « en marche », en France comme au Maroc comme partout ailleurs, à des cadences différentes mais de plus en plus rapides, et il semble ne plus désirer de compagnons de route. Et peu importe si l’imaginaire de la plupart des marocains soit encore structuré par des systèmes de valeurs pré-modernes et anti-marchands, la société marocaine peut imploser ou exploser, cela n’entravera en rien la marche irrésistible du « Capital ». Car la « logique marchande », libérée désormais du carcan idéologique, religieux et traditionnel, veut désormais tout, elle veut l’éducation, la santé, la loi, les corps et les esprits des gens qu’elle aliène pour les introduire dans un schéma de servitude volontaire.

Quant à nos syndics de faillite, j’entends par là nos valeureux politiciens, vouloir le « libéralisme » et la « mondialisation » tout en voulant garder la stabilité politique, laisser la logique marchande et la réification des liens humains se déployer dans toute la société, tout en s’indignant contre la perte de nos valeurs et la décadence morale, procède d’une profonde ignorance du mouvement dialectique historique de la marchandisation intégrale et du fétichisme de la marchandise.

Ainsi, devant ce funeste déterminisme, le seul concept qui tienne est le « Katechon », concept biblique mais transposable dans toutes les traditions, et qui signifie littéralement : « ce qui retient le chaos » ou « ce qui le retarde ». Et ce « Katechon » n’est ni un individu providentiel, ni un parti politique ni une secte. Ce « Katechon » ne peut être que la « Communauté de l’Être », fondée autour de liens de solidarité naturel et spontané, qui n’existe plus au Maroc que sous une forme résiduelle et fragmentaire, et qu’il s’agit de reconstituer dans une dynamique radicale de désaliénation, dans l’infime espoir de survire en tant que dépositaire d’une communauté plurimillénaire, au grand chaos qui s’annonce et dont on entend déjà le prélude.


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