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Koutla

Où est passée la Koutla, la vraie?


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Koutla

Qu’arrive-t-il à la Koutla? Alors que les personnalités qui l’avaient portée voici plusieurs décennies avancent plutôt bien en âge, elle, pour sa part, vieillit mal, très mal. La Koutla est ce bloc qui avait uni l’Istiqlal à l’UNFP et l’USFP par deux fois dans l’histoire récente du pays, et les deux fois pour lutter contre la politique d’Hassan II.

Rapides prolégomènes pour situer la Koutla, et mieux apprécier à quoi elle a été réduite aujourd’hui… Le terme est apparu au début des années 30, dans l’expression « koutlatou al 3amal al watani », un groupe d’indépendantistes apparus une dizaine d’années avant le début de l’action nationale à proprement dite. Quarante ans plus tard, et pour lutter contre l’absolutisme absolu du défunt Hassan II, les deux grands partis du mouvement national qu’étaient l’Istiqlal et l’UNFP avaient scellé une alliance entre eux, appelée « Koutla wataniya », en opposition aux constitutions « octroyées », comme on appelait alors les lois fondamentales proposées par l’ancien monarque.

Puis, plus rien, jusqu’à la fin des années 80… Dans l’intervalle, l’Istiqlal assurait sa présence au gouvernement pendant qu’Abderrahim Bouabid, alors Chef de l’USFP (qui avait fait scission avec l’UNFP) assumait sa présence en prison! Il faut dire que l’histoire de l’UNFP, puis de l’USFP, avec l’Istiqlal n’est pas un chemin pavé de roses, mais un parterre tapissé d’épines…

En 1992, Abderrahim Bouabid est mort, Allal El Fassi aussi, et le roi Hassan II n’agissait plus à travers des constitutions octroyées ou dévoyées, mais à coup de partis très élégamment appelés « cocotte-minute ». Les successeurs des grands hommes, Mhamed Boucetta pour l’Istiqlal et Abderrahmane El Youssoufi pour l’USFP, s’adjoignaient la moribonde UNFP d’Abdallah Ibrahim, mais surtout le PPS d’Ali Yata et l’OADP de Bensaïd Aït Idder pour former la Koutla démocratique, par opposition aux autres partis, qui ne l’étaient pas (UC, RNI, PND, et dans une moindre mesure le MP).

Cela avait donné l’une des grandes épopées politiques de l’histoire politique marocaine, qui s’était déroulée en deux temps.

1/ quand Mhamed Boucetta avait décliné en 1994 l’offre de la primature à lui faite par Hassan II

2/ lorsque 4 ans plus tard, Abderrahmane El Youssoufi avait accepté la même offre, les conditions ayant entre temps changé et le roi Hassan II, sentant sa fin proche, préparant alors son départ.

On le voit donc, la Koutla dans ses trois déclinaisons était une grande idée portée par de grands hommes et quelques femmes.

Or, que voit-on aujourd’hui et à quoi assiste-t-on ? À une Koutla incolore, inodore, sans saveur et avec pas beaucoup de pudeur. En ces temps immémoriaux de la grande histoire du pays, la koutla était d’ailleurs à chaque étape enrichie d’une suite, « koutlatou al 3amal al watani », puis « Koutla wataniya » et enfin « Koutla démocratiya ». Aujourd’hui, le terme Koutla est désespérément seul, ou empruntant tour à tour les mots démocratiques ou « watani»… Cela est assez éloquent quant à l’indigence intellectuelle des dirigeants actuels de la Koutla.

Et puis, et puis il y a les hommes qui régnaient en maître sur la scène politique d’alors, avec leurs joutes inoubliables, leurs envolées oratoires inégalables, leurs honnêtetés intellectuelles incomparables. À l’Istiqlal, il y avait les Boucetta, Douiri, Khalifa, Ghellab, Kadiri… à l’USFP, on avait Bouabid, El Youssoufi, El Yazghi, Bouzoubaâ… au PPS, on se rappelle encore d’Ali Yata et à l’OADP, l’illustre Bensaïd Aït Idder.

Sans transition, brutalement, au risque de choquer, citons les noms de ceux qui meublent aujourd’hui ces mêmes partis. À l’Istiqlal, Chabat, El Kihel et les purs et durs technocrates que sont Hjira et Ghellab. À l’USFP, Lachgar et Malki qui fut mais qui n’est plus, politiquement parlant du moins. Au PPS, Nabil Benabdallah qui s’est récemment fait recadrer comme jamais Ali Yata n’aurait pu l’être et à l’OADP, qui n’existe plus mais qui a été en quelque sorte, et très hasardement remplacée par le PSU, il y a Nabila Mounib. Des poids lourds aux poids-plumes, des dinosaures en dirigeants incolores et inodores.

Il fut un temps, jadis, voici bien longtemps, où les caciques des partis de la Koutla avaient le respect du roi et du peuple, disaient haut et fort ce qu’ils pensaient, pensaient ce qu’ils disaient et disaient ce qu’il fallait, sans insulte ni injure,  ni invective. Il fut un temps, naguère, où ces grands hommes refusaient la fonction de Premier ministre ou l’acceptaient pour assurer une transition monarchique.

Nous sommes bien malheureusement à un temps où les dirigeants de ce qu’il reste de ces partis acceptent tout, pourvu qu’ils aient des postes au gouvernement. À la recherche des honneurs, donc, même au prix du déshonneur…

Il fut un temps où l’USFP était résolument ancrée dans la lutte des classes, mais aujourd’hui, elle lutte pour les places, où l’Istiqlal bataillait pour l’indépendance alors qu’aujourd’hui, il vend idées, idéaux et idéologie pour assurer sa présence et sa pitance.

Comment donc Abdelilah Benkirane, auréolé d’un second succès électoral et populaire consécutif, et porté par le renouvellement de la confiance royale, pourra-t-il justifier d’une quelconque crédibilité pour son prochain gouvernement ? À lui de répondre.


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