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Nucléaire européen : risque majeur pour prolongation en budget mineur


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Alors que la COP 21 s’éloigne un peu des esprits mais que la COP 22 se rapproche, il est temps de faire un petit point sur la production d’énergie de nos amis et voisins européens. Eh oui, si le Maroc s’est engagé dans un ambitieux programme d’énergie renouvelable, en Europe, on joue les prolongations nucléaires.

Oui, on pourrait aussi parler des ONG et de tout un tas d’autres problèmes, en Europe, mais revenons à nos moutons électriques. La presse s’est faite l’écho ces derniers temps de la volonté française de prolonger la durée d’exploitation de ses centrales. Et l’enjeu est de taille, car le parc français est conséquent et vieillissant, ce qui signifie que la part d’énergie produite par ce réseau-là est stratégique mais menacée, si l’on se tient aux engagements de fermeture précédents. Alors, vous connaissez la suite, la Suisse proteste parce que certaines centrales ne sont pas loin et que, depuis Tchernobyl, on sait bien que les radiations n’ont pas besoin de passeport.

Oui, c’est presque ça, sans bombe, mais avec des centrales, quelque part. Mais n’allez pas croire que la France est la seule à vouloir prolonger la durée de vie de ses centrales. À dire vrai, la Commission Européenne doit justement publier très prochainement un rapport sur le Programme indicatif du nucléaire et quelques-unes des données essentielles qu’il contient ont filtré. Et il en ressort que le parc nucléaire européen est à bout de souffle. L’âge moyen des quelques 131 réacteurs européens est de 29 ans. Sans prolongation, 90% des réacteurs devront être fermés d’ici 2030. Or la part de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique européen est de 27% et chaque année, la demande en électricité augmente, au point que la même production, d’environ 120 GW, ne représenterait que 17 à 21% des besoins en 2050. Il est donc absolument stratégique de ne pas  compromettre cet apport du nucléaire ou bien de le compenser. Or toute nouvelle construction coûterait une fortune. Et quand je dis une fortune, je parle façon PIB de pays pas ridicule puisqu’on parle d’environ 450 à 550 milliards d’euros. Alors sachant que l’Europe joue encore la carte du prix de la tonne de carbone, on a des chances que ces investissements soient considérés comme non rentables. Eh oui, c’est la leçon de la COP 21 : malgré son inutilité flagrante, l’Europe n’a pas renoncé à cette mesure de marchandisation du droit de polluer. Sauf que là où les économistes qui s’imaginaient que la tonne de carbone coûterait entre 400 et 500€, actuellement, on en est plutôt à 8€ la tonne et au mieux, on parviendrait à en relever le coût à quelque 30€ en 2030. Donc pas assez cher pour développer des technologies non polluantes. Rajoutez à cela le prix du pétrole super bas et la conclusion est qu’il n’est stratégique pour personne d’investir maintenant.

Oui, j’aime bien cette humoriste à la noire ironie. Revenons à notre parc vieillissant. Il faut le renouveler, donc, mais ce n’est actuellement pas rentable, et ce d’autant que les techniques développées actuellement sont bien plus coûteuses qu’on ne l’avait prévu. La Commission Européenne dit ces choses-là avec élégance et se contente d’indiquer que, et je cite, « certains nouveaux types de projets ont connu des délais et des dépassements de budget ». Sympathique euphémisme quand on sait  que les projets développés notamment en Finlande et en France ont déjà coûté près de trois fois leur budget initial et ont encore des années de retard. Là encore, Bruxelles dit cela fort bien en précisant que les projets de Flamanville et d’Olkiluoto « affaiblissent la compétitivité de l’énergie nucléaire ». Oui, c’est mignon, surtout quand immédiatement après, on se rassure en précisant que, et je cite toujours, les « projets futurs ayant recours aux mêmes technologies devraient bénéficier de l’expérience acquise. » Je parie bien, moi, que cette expérience acquise va les pousser à ne pas recommencer à investir inutilement.

Bon, alors rénover et prolonger les centrales actuelles, à la fois stratégiques et trop peu rentables pour qu’on les remplace. Oui, mais dites-donc, les prolonger aussi, c’est fort cher. Bruxelles estime qu’il faudrait y investir 45 à 50 milliards d’euros, et qu’il faudrait débloquer 80% de ces investissements d’ici 2030. Alors, ça n’est plus que 10% de ce qu’il faudrait débloquer pour rénover ou renouveler le parc réellement mais ça n’évitera pas que l’on doive fermer, d’après la Commission, 50 des 131 réacteurs atomiques actuels. Ah, et ça ne change rien non plus au fait qu’il va désormais falloir investir lourdement dans le retraitement des déchets et le traitement des sites des réacteurs que l’on ferme. C’est-à-dire qu’on est en train de dire qu’il va falloir dépenser bézef dial le flouz pour walou électricité pas chère. À votre avis, qu’est-ce qu’il risque de se passer ?

Oui, même Bruxelles, qui ne fait ce rapport que presque contraint et forcé, puisque le dernier date tout de même de 2008, est obligé de reconnaître que peu de pays ont provisionné l’argent nécessaire aux rénovations et traitements nécessaires. Et là encore, ça chiffre vite : pour avoir les premières installations de stockage géologique en Europe, il faudrait investir de l’ordre de 142 milliards d’euros d’ici 2050. Quant au démantèlement des centrales, la Commission avance un chiffre de 126 milliards d’euros d’ici 2050, mais en vrai, on ne sait pas trop car seule l’Allemagne a réellement démantelé ses centrales arrêtées. Ailleurs, on les a juste arrêtées. L’Allemagne qui fait partie des bons élèves nucléaires de l’Europe, puisqu’elle a prévu de continuer à démanteler et peu renouveler et qu’elle a provisionné quelque 83% du budget. La Grande-Bretagne et les Pays-Bas, eux, auraient carrément prévu respectivement 100% et 94% des frais. Par contre la France n’aurait mis de côté que 31% des frais provisionnés. Or ça pose un problème parce qu’en vrai, de ces trois pays, seule la France est un grand producteur nucléaire, avec l’un des plus vieux parcs d’Europe, puisque les réacteurs en sont en moyenne à 64% de leur durée de vie. Bref, tout cela a de quoi rendre un peu nerveux sur la question nucléaire, d’autant que le rapport, pourtant alarmant, serait exagérément optimiste d’après le groupe des Verts au Parlement européen au moins, pour qui les coûts ont été largement sous-estimés. Ils s’appuient pour le dire sur un rapport alternatif qu’ils ont fait réaliser par Wise-Paris (World Information Service on Energy), un cabinet d’études spécialisé sur le nucléaire qui démonte les projections de la Commission tellement brutalement qu’il permet à l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes de qualifier le rapport de la Commission Européenne de « déni complet de réalité » quant aux risques et aux coûts du nucléaire. Alors, rassurés ?


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