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Une Loi contre l’infamie virtuelle


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Depuis quelques jours, sur Facebook, ce sont bien des propos honteux qui ont circulé, sur les jeunes marocaines victimes de l’attentat d’Istanbul.

Les commentateurs, s’ils n’en étaient pas à regretter que, parmi les six victimes, quatre aient survécu au souffle de l’explosion, ne voyaient, par ailleurs aucune gène à nier, dans un premier temps, la condition de blessées, de traumatisées des survivantes…

De même qu’ils n’hésitaient pas, dans un second temps, puis un troisième, à dire, clairement, à affirmer froidement, que ces marocaines, parties festoyer, méritaient presque de mourir ! Et de mourir loin de leur pays… De sorte qu’une mort, lointaine, – ce propos on peut le lire encore sur Facebook -, que cet éloignement devait être vue comme une marque de la justice divine…

Voici donc quatre jeunes femmes, qui, selon certains porteurs de pseudo, méritent leur sort, méritaient probablement la mort, où qu’on ne pleure pas sur elles… Ainsi ces jeunes filles, parties finir l’année au pays d’Erdogan, eurent-elles droit au pire des traitements, aux insultes les plus dégradantes.

On ne citera pas ici le chapelet des vulgarités, des horreurs, auxquelles se sont livrés ceux qu’il faut aussi bien qualifier de porcs que de criminels virtuels ! Car il faut voir, symboliquement, dans cette violence virtuelle, tant du meurtre que du consentement meurtrier, – nous y reviendrons…

Pour l’instant, n’y a-t-il pas lieu, sans détour, de dire la vérité de tels propos ? De dire ce que ces réseaux, dits sociaux, nous auront donné à voir, à lire, à entendre, de saloperies, – le mot est faible -, à chaque fois que la décence et que la compassion étaient attendues… Ou lorsque la simple pudeur était de mise, tant d’un point de vue éthique, qu’esthétique ? Les deux combinées, donnent à une société sa grandeur d’âme, du moins ce fût le cas, longtemps. Et surtout, il y a longtemps !

Car au fond, si l’on veut bien se raviver un peu la mémoire, n’a-t-il pas suffit d’un simple baiser, donné et reçu, à Nador, pour mettre le  feu aux réseaux sociaux, encore eux !, pour que deux jeunes ados, se voient non seulement lynchés, virtuellement, mais réellement déférés, devant un tribunal ?

Et, dans le même ordre, que des jeunes filles, vêtues de jupes, subissent le sort qu’on ne réserve même pas, – fort heureusement, et l’on sait aussi pourquoi !, aux prostituées de luxe… Que dire, aussi, d’un jeune travesti, tabassé et dont les bourreaux se virent élevés au rang de héros, par ces mêmes qui, aujourd’hui, après les avoir descendues, regrettent presque que quatre jeunes filles de ce pays aient survécu à un attentat en Turquie ?

Et que dire, enfin, de tout ce qui se dit, au-delà de ces faits, de ce qui se vomit, sur tout et sur rien, – comme imbécillités et comme méchancetés,  tant sur les affaires du Monde, lorsqu’elles charrient leur lot quotidien de xénophobie et de conspirationnisme ; que sur des personnalités, peu ou prou connues, sur lesquelles se déversent, – sous couvert d’un humour au second ou au troisième degré, un cynisme rare, qui est l’expression du plus pur des sadismes !

Car au-delà des insultes, ce sont de véritables petits pamphlets où l’on s’autorise toutes les infamies, où l’on se délecte du malheur des victimes, où l’on trace des lignes de partage entre les bons morts et les mauvais, où l’on s’adonne à une apologie claire, du terrorisme, où l’on a recours à tout un appareillage se voulant savant qui n’est pas sans rappeler celui dont on usa, aux pires heures de l’Histoire du 20ème siècle, siècle du Mal et de la délectation totale que le Mal a pu produire…

Devant une telle faillite morale, devant un tel déferlement de haine ordinaire, dont ceux qui les provoquent semblent tirer tant de satisfaction, ne peut-on dire qu’un rappel à l’ordre, est plus que nécessaire ? Et que, lorsque les possibilités inférieures, contenues en chacun de nous, et surtout, dans chaque société – pas d’essentialisme, ici -, lorsque la haine et le ressentiment sont à ce point manifestes, – ne faut-il pas aussi, que la Loi fasse entendre sa voix ?

Oui, à quand une Loi sur l’infamie virtuelle ? À quand des condamnations en bonne et due forme ? Des amendes, à chaque fois que l’insulte, que la vulgarité, que le racisme, que l’apologie du meurtre et du terrorisme se font entendre, que la haine reprend ses droits sur la civilité ?

Car la haine, qui ne peut ni porter le nom de Liberté individuelle, ni moins celui de Liberté d’Expression, encore moins celui d’art ou de pensée, la haine en vérité n’a aucun droit. Et si la simple décence ne peut plus rien contre elle, la Loi, alors, le pourra.


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