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La fuite des cerveaux : un phénomène maghrebin mais aussi largement mondial


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La fuite des cerveaux c’est ces fameux flux migratoires de scientifiques, de chercheurs ou plus généralement de personnes à haut niveau de qualification qui quittent leurs pays d’origine -généralement du Sud – et s’installent à l’étranger, généralement au Nord, pour trouver de meilleures conditions de vie, d’études, de travail ou de rémunérations.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’à l’origine, la fuite des cerveaux est un mouvement migratoire du Nord vers le Nord.

Lorsque le débat sur la « fuite des cerveaux » est apparu dans les années 1960, il ne concernait que les pays riches.

L’expression « brain drain »  est en effet une expression qui faisait référence à l’émigration des scientifiques britanniques vers les États-Unis et la présentait de façon péjorative comme une perte économique.

C’est bien plus tard que la fuite des cerveaux a été analysée comme un mouvement à sens unique des pays du Sud vers les pays du Nord.

Pour rappel, le débat sur la fuite des cerveaux était devenu un débat « éthique », motivé par le sort des pays en développement et ce, après le changement, par les États-Unis, de leur législation sur l’immigration en 1965.

En fait, depuis 1924, le système des quotas privilégiait les migrants des pays européens. Mais en cette année 1965 dite de rupture, celui-ci fut abandonné ouvrant la voie notamment à l’accueil des ressortissants des  pays asiatiques.

Cette fuite des cerveaux concerne aujourd’hui de nombreux pays en voie de développement, mais aussi certains des plus développés.

Des pays comme l’Italie, Espagne et les pays de l’ancienne Europe de l’est sont impactés. La France également où chercheurs, biologistes, traders, et même jusqu’à 40% des économistes dits « de premier rang » sont expatriés aux USA, au Canada.

Même phénomène en Russie, où le déclin économique et  le tour de vis politique ont intensifié la fuite des cerveaux dans les sciences et les technologies de pointe, mais aussi la finance.

Chaque année en Iran entre 100 000 et 150 000 étudiants dans les filières scientifiques quitteraient  le pays selon la banque mondiale, ce qui lui couterait des milliards d’Euros.

De même, près de 1,5 million de Chinois sont allés étudier et enseigner dans les universités à l’étranger. Seulement un quart d’entre eux sont rentrés une fois diplômés. Ce phénomène continu engendre des pénuries dans bien des secteurs et des domaines.

Bien sur l’hémorragie affecte aussi l’Afrique. Alors que seulement 3 % de la population africaine est diplômée de l’enseignement supérieur, la migration de ces diplômés a été deux fois plus forte que celle des non qualifiés durant les 10 dernière années.

L’Île-de-France compterait désormais plus de médecins béninois que le Bénin lui même. La fuite des médecins africains couterait d’ailleurs au continent plusieurs milliards de dollars par an.

Plus près de nous, la fuite des cerveaux est « un des problèmes cruciaux de ces trois dernières décennies au Maghreb» révèle un rapport de l’O.I.T. avec un départ des élites diplômées bien supérieur à la moyenne mondiale.

Ainsi, «en 2012, plus de 850.000 Maghrébins diplômés de l’université vivaient dans les pays de l’OCDE». Et en y ajoutant les 100.000 étudiants du Maghreb venus obtenir un diplôme étranger, le cap du million est pratiquement atteint : «9 sur 10 sont Algériens ou Marocains », selon la même source.

D’abord, se sont des médecins, des ingénieurs et des titulaires d’un master qui quittent ces pays. En Algérie par exemple, 1 partant sur 4 est diplômé de médecine. Autre point commun : les motifs de départ. Dans toute la région, le chômage des universitaires est aussi très élevé. Il s’élève a plus de 30% en Tunisie, au moment de l’étude.

De son côté, le Maroc a choisi de donner plus de possibilités aux ressortissants installés à l’étranger de collaborer à l’économie depuis l’Europe et de faciliter leur retour au pays.

Partout on observe donc la part croissante des élites dans les migrations internationales (16,4 millions de personnes en 1990, 26,2 millions en 2000) et la tendance s’accélère…

Ce phénomène est aussi le résultat des politiques migratoires des pays riches en quête de matière grise.

Pour attirer diplômés et autres cadres, la concurrence est rude, chacun y va de sa méthode : permis à points (Canada, Nouvelle Zélande, Australie), carte verte (USA), nouvelle politique sélective allemande, carte bleue (Union européenne), carte « compétences et talents » en France depuis 2007.

La fuite des cerveaux a principalement des effets néfastes sur le développement de ces pays de départ.

Même si les migrants transfèrent des fonds dans leurs pays d’origine, cela ne parvient pas à compenser les pertes occasionnées par leurs fuites (coût de leur formation, emploi de personnel expatrié…).

En somme, cette forme de migration prive ces pays des hommes capables d’assurer leur développement. Elle se fait au profit des seuls pays industrialisés.

  • Le départ des diplômés peut appauvrir les pays d’origine : coût de leur formation, perte de compétence, obstacle au processus d’accumulation des compétences, freins au développement… Selon la CNUCED, les pays africains dépensent 4 milliards de dollars par an pour compenser le départ de ses personnels qualifiés.

Pour autant, il faut largement nuancer : La fuite des cerveaux (brain drain) pourrait constituer un gain ou brain gain en faisant du migrant un relais ou un « intermédiaire ».

Plusieurs mécanismes peuvent intervenir :

  • Le transfert de fonds (les émigrés envoient à leurs familles deux fois plus d’argent que le montant total de l’aide au développement),
  • La réduction du chômage des diplômés,
  • la diffusion du savoir dans le cadre de retour ou via des processus d’imitation technologiques,
  • l’incitation à la formation pour les jeunes du pays dans l’espoir de travailler à l’étranger,
  • la création d’entreprises grâce à l’épargne accumulée à l’étranger…

Toutefois, ces perspectives positives pour les pays d’origine restent conditionnées aux possibilités de retour et d’installation des migrants.

Au-delà des étudiants, elle concerne désormais largement les ingénieurs, les techniciens, les informaticiens, les spécialistes de la finance, les médecins et professionnels de santé…

Au final, la problématique reste complexe. Pour les uns, favoriser la venue de cette élite intellectuelle et professionnelle serait favorable pour les sociétés d’accueil et pour les sociétés d’origine ; pour les autres, il s’agirait d’un « pillage » des cerveaux et des neurones après les vagues d’émigration du muscle.

Mais pour ces catégories diplômées, le choix de migrer, ou non, résulte d’une analyse coûts/avantages reposant sur plusieurs critères :

  • les conditions de rémunération,
  • les conditions de travail,
  • les modes de vie, liberté, sécurité
  • les perspectives de promotion sociale et d’avancement professionnel, conditions d’hospitalité (ou de rejet),
  • les facilités ou tracasseries administratives,
  • les liens familiaux,
  • les coûts psychologiques…

A ce jeu, et cela ne va pas faire plaisir à notre « Bisounours championne du monde », les USA ou la Grande-Bretagne se montrent les plus attractifs.

Hé oui Mélanie, même nos amis « frenchies » étudiants, cadres, chercheurs, enseignants, entrepreneurs souhaitent traverser la manche ou l’Atlantique pour  vivre une vie meilleure chez les méchants et affreux néo libéraux capitalistes…Bizarre non ? Seraient-ils maso ?


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