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Eaux du Nil : aux sources d’un conflit?


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Je ne sais pas si vous avez suivi, mais en mars dernier, un conflit qui semblait inévitable a été pourtant évité de justesse à la source du Nil.

Oui, alors d’accord, c’est un miracle, mais décortiquons-le quand même un peu. Le Nil, c’est donc ce fleuve gigantesque qui arrose, entre Nil Blanc et Nil Bleu, pas moins de 11 pays. Mais les trois principaux qui se battent depuis… Ouf ! Au moins le XIXème siècle, c’est l’Egypte, bien sûr, le Soudan et l’Ethiopie. Alors d’accord en accord, à peu près tous les 50 ans, un pays ou un autre se sent lésé, parce que mes amis, dans la région, l’eau, ce n’est pas courant.

Oui, ben justement, de l’eau de pluie, dans la région, y’en a pas bezaf. En particulier au Soudan ou en Egypte, où l’on est dans des régions désertiques, les précipitations annuelles sont réduites à quia. Dès lors, on comprend que le Nil et sa crue annuelle, soient absolument vitaux, au sens premier du terme pour les pays riverains et d’entre eux, ceux qui sont en bout de chaîne, l’Egypte en particulier, donc. Jusqu’à peu, on en était resté sur un accord ancien, bénéficiant très largement aux pays en aval. Mais en 2010, l’Ethiopie signe avec le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda et le Kenya un accord remettant en question « les droits acquis » de l’Egypte et du Soudan. À ce moment, là, l’Egypte est encore assez puissante pour claquer la porte de l’initiative du Bassin du Nil qui regroupe pays riverains du Fleuve depuis février 1999. Mais l’instabilité politique de l’Egypte après 2011 permet à l’Ethiopie d’avancer ses pions et elle déclare qu’elle construira un barrage pharaonique sur le Nil Bleu, l’un des deux confluents du Nil, le plus important qui contribue pour près de 60 % du débit du Nil. Le risque de conflit est alors conséquent, d’autant que le débit du Nil est déclaré vital pour la sécurité nationale égyptienne, avec tout ce que cela implique.

Et pourtant, après bien des rumeurs de guerre et des déclarations musclées de l’Egypte, soutenue par le Soudan sur la question du Grand Barrage de la Renaissance, le 25 mars 2015, un accord est signé à Khartoum, dans lequel l’Ethiopie est autorisée à construire son barrage, pourvu que des études démontrent qu’il ne va pas altérer le débit du fleuve en aval. Ce qui est, évidemment, aberrant, car le débit est d’ors et déjà altéré.

Alors vous me direz, pourquoi est-ce qu’on en reparle aujourd’hui ? D’abord, parce qu’on ne l’a pas fait en mars dernier et c’est une erreur, parce que cette question de l’eau est vitale et l’on sait que le XXIème siècle sera celui des conflits sur l’eau. Le XXème siècle en a déjà connu un certain nombre, comme celui qui a justifié en grande partie la Guerre des Six jours qui a permis à Israël de récupérer plusieurs affluents du Jourdain, par exemple. Ensuite, parce qu’à l’occasion de la COP 21, l’Ethiopie s’est déclarée en sécheresse, et non seulement en sécheresse, mais en sécheresse extrême, la pire depuis 50 ans, a-t-elle dit, réclamant des aides internationales pour faire face aux risques vitaux que le pays allait connaître en 2016. Pourtant, dans le même temps, l’Ethiopie a déclaré que sa croissance à deux chiffres n’en serait pas affectée, même au niveau agricole, alors que son agriculture, forcément, dépend de l’irrigation, laquelle en période de sécheresse ne dépend que du Nil. Et là, on en arrive au deuxième problème des ressources en eau : non seulement, le débit du Nil se réduit et se réduira encore, mais de plus, la qualité de l’eau est probablement amenée à être altérée par la politique mise en œuvre en Ethiopie. Et pas seulement en Ethiopie, aussi, parce que l’accord de mars dernier constitue un précédent qui démontre la faiblesse diplomatique de l’Egypte comme du Soudan, deux pays dont les tumultes intérieurs les rendent peu à même de défendre leurs intérêts. Le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda, le Kenya et d’autres, en amont, ayant signé avec l’Ethiopie en 2010 l’accord visant à remettre en cause les droits historiques des pays en aval vont vouloir, eux aussi, se prémunir contre la détresse hydrique que leurs pays connaissent et sont amenés à connaître de plus en plus. Et là, je m’inquiète : autant la situation anté-2010 était injuste mais relativement stable depuis les années 50, autant la situation actuelle qui ne permet à aucun acteur majeur de s’imposer, si ce n’est l’Ethiopie, mais bon… laisse la place à un risque réel de chaos qui n’a pas fini de faire parler de lui dans les années à venir.


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