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Des festivals pour les jeunes, pourquoi faire?


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Quand je suis arrivée à Casablanca, il y a neuf ans, la ville abritait deux grands festivals populaires. Le festival de Casa et le Tremplin L’Boulvard.

Le premier a rapidement disparu, encore que sur Wiki, on dise officiellement qu’il a seulement muté. Je ne sais pas, moi, en tout cas, je n’en ai pas vu trace. Le second a connu bien des revers et a même été suspendu une année par manque de moyens. Mais il est toujours là. Il était là avant le festival de Casa, il est là après, il est là parce que, pour irrévérencieux, gouailleur qu’il ait toujours paru, ce festival urbain, libre, pourtant extrêmement sécurisé est le fait de passionnés qui ont cru et mis en œuvre une idée simple : la jeunesse a besoin de s’exprimer. Longtemps, ça n’a pas été très bien vu. A l’époque de mon arrivée au Maroc, on lisait encore parfois des articles expliquant que les gens qui aimaient le hard rock étaient satanistes, alors pensez, un festival qui laissait des jeunes faisant du rap, du hard ou de l’électro, toutes musiques suspectes, je ne sais pas très bien de quoi, mais suspectes, finalement, forcément, on s’en méfiait.

Oui, bon, tout ça, c’est bien beau, mais enfin, ces jeunes, ils ne respectaient rien. Imaginez : le fils d’un régisseur de théâtre à la FOL, Mohamed Mehari, qui se met en tête, avec son complice de toujours, Hicham Bahou, de faire monter sur scène tous les musicos qui ont envie, que dis-je besoin de s’exprimer, ça ne peut que tourner mal. D’ailleurs, assez rapidement, les gens bien, la FOL autrement dit, se sont désolidarisés de la chose.

Pourtant, ils ont continué. Et pour moi, ils ont constitué une superbe introduction à ce qu’est la vitalité de la culture urbaine casaouïe.

Certains ont même tentés de les comparer à d’autres mouvements, ailleurs, comme la Movida espagnole. On a appelé cela la Nayda. Eux contestent : ils ne sont le mouvement de rien, ils ne font que donner une scène et des moyens à ceux qui font le Maroc. Point barre. Ça fait déjà pas mal et si, aujourd’hui, des groupes qui se sont lancés grâce à ce festival se réclament de la Hayha Music, une sorte de Jazz-rock fusion avec des sonorités Gnawan eh bien, c’est tant mieux…

Mais ce n’est pas le cas de tous. Au Tremplin L’Boulvard, on peut écouter du rap, de l’électro, du rock qui fait planer, aussi.

Des artistes étrangers, venus en résidence, partager avec les marocains, de grands groupes pour éduquer nos oreilles, inspirer nos talents. Et puis bien sûr, surtout, une vingtaine de formations locales par an, des jeunes, sélectionnés sur des centaines de candidatures que les gens du Boulvard vont aider toute l’année. Parce que maintenant, ils ont aussi un centre de musique actuelle, le Boulteck, au Tecknopark.

Y’a de tout là-dedans. Tout le monde vient répéter, pas cher dans des salles, bien équipées. On vient aussi pour les concerts, salle 36, forcément, haha. Et mine de rien, les gens qui ont monté ça, les satanistes de quand je suis arrivé, ces gens louches, là, pas vraiment fréquentables, les Momo Mehari, les Hicham, ils ont eu un financement royal. Et un Wissam. Parce que peut-être que finalement, s’occuper de la jeunesse, lui proposer de la culture, c’est quand même bien. Même quand on ne nous l’a pas demandé au départ. Même quand on sera toujours un peu alternatif dans l’âme. Peut-être même bien que c’est plutôt ça qui agrée au roi : qu’on se bouge, qu’on se débrouille, que ça marche, que les gens adhèrent et qu’on crée une dynamique, plutôt que d’attendre sans jamais vouloir s’engager.

Oui, bon, ils sont bien impertinents, ces jeunes, c’est vrai. Ils ne respectent rien, hormis la culture et puis le public, ah tiens. N’empêche que 17 ans après sa création, le festival Tremplin L’Boulvard continue à faire vibrer la nouvelle scène musicale marocaine et ça, ce n’est pas rien. D’autant plus que maintenant, ils font aussi du street art, de la danse, du théâtre, du cirque et tout un tas de résidences artistiques. Voilà à quoi ça sert, un festival, pour la jeunesse du Maroc. C’est joyeux, sympa, subversif à la manière d’un bon gros Bisounours et ça rassemble les jeunes, les familles, les moins jeunes et les plus traditionnalistes derrière un seul concept : gratuité et culture pour tous. Ah et une dernière précision : tous les extraits musicaux d’aujourd’hui sont issus des groupes que vous verrez sur scène cette édition, à partir de demain et durant une semaine. Enjoy !


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