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De l’exil occidental à la tradition comme source primordiale


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Dans la nuit du 21 janvier dernier à Casablanca, une jeune femme isolée, s’est faite lâchement agressée par une meute de chauffeurs de taxis en colère.

Son crime ? Être conductrice pour un service VTC, en l’occurrence la plateforme « Careem ».

C’est une énième manifestation d’un néo-tribalisme destructeur et déstructuré, réaction archaïque et brutale, lâche et déchaînée au rouleau compresseur d’une modernité qui se voudrait prométhéenne.

Cette violence physique, condamnable sous tous les aspects, cache néanmoins une violence plus sournoise, plus symbolique.

Mais il ne s’agit ni de rire, ni de pleurer, ni de haïr, comme nous l’apprend Spinoza, mais de comprendre.

Car après avoir adhéré bon gré mal gré au libéralisme économique et sociétal ces 30 dernières années, condition sine qua non de notre entrée dans cette « modernité » qui n’a de cesse de nous consumer à petit feu, nous voilà en pleine transition vers la « post-modernité », vers cet inconnu qui nous investit par effraction, qui nous prend en otage.

Sur le plan économique, c’est le début, certes pour l’instant très timide, de « l’uberisation » de notre économie, si fragile et tellement injuste. Cette « uberisation » que l’on nous présente avec beaucoup de malhonnêteté et une nonchalante ironie comme une économie du partage. Drôle d’oxymore quand même !

C’est avant tout le passage progressif mais néanmoins brutal de la logique salariale comme aliénation à la servitude volontaire, mais aussi involontaire de la fragmentation du travail. C’est l’apothéose du « No Pain, no Gain ».

Puisque dans un schéma où nous entretenons un rapport tantale, de permanente insatisfaction à la consommation, où l’impératif de survie mais aussi du paraitre prime sur tous les autres, le néo-libéralisme ne tolère aucune enclave, aucun sanctuaire, aucune citadelle. C’est tout ou rien !

On est passé du « hard power » capitaliste où la lutte des classes avait tout son sens, nourrissant la douce illusion d’une improbable émancipation des travailleurs, au « soft power » post-capitaliste, à travers la mise en concurrence cruelle et impitoyable des pauvres. Mais aussi d’une certaine classe moyenne en pleine paupérisation, dans un contexte d’aggravation des inégalités, où l’Etat, mais aussi une certaine élite, semble inconsciente, démissionnaire, spectatrice, voir complice, tel un Ponce Pilate livrant le Christ à la foule tout en clamant son innocence, avec néanmoins une certaine honte.

L’uberisation de l’économie c’est au-delà de tous les subterfuges conceptuels, l’exacerbation des luttes horizontales, qui semblent voiler ou occulter, à dessein ou non, les luttes verticales, les vraies.

Cette violence physique, mal comprise contre cette jeune femme, elle-même victime d’un système qui la dépasse, se trompe de cible, puisqu’elle n’est que la résultante d’une violence symbolique, paradigmatique, annonçant le début d’une ère nouvelle, d’un capitalisme 2.0, qui après avoir dilué le politique dans l’économique, entend diluer le social.

Un post-capitalisme déterritorialisé qui ne connait ni ne reconnait ni les frontières, ni les Etats, ni les cultures, où la limite entre travail et chômage, vie professionnelle et vie privée devient illusoire et perméable.

Uber, AirBnB, Careem, c’est  un paradigme économique qui dit sans le dire : « Le social est mort, et nous l’avons tué », puisque après avoir fini d’achever les résidus (la survivance) d’une société traditionnelle agonisante, voilà que la modernité dévore ses propres rejetons, tel le « Titan » Chronos dévorant sa progéniture.

C’est la phase pré-finale d’un naufrage identitaire et moral, d’une nation perdue, en colère et atomisée, mais qui demeure toujours attachée à une « tradition ancestrale» de plus en plus fuyante et insaisissable, dont la mémoire se perd dans l’esprit d’une jeune génération qui n’a d’yeux que pour la modernité ; ce fruit défendu contre lequel la tradition n’a cessé vainement de mettre en garde. Illusion de savoir, de pouvoir, d’éternité.

Satan n’a-t-il pas séduit l’homme en disant : « Ô Adam, t’indiquerai-je l’arbre de l’éternité et d’un royaume impérissable ? ».

Il est désormais vital de sortir de l’exil occidental, de ce désert ontologique. De revenir à la source primordiale de la tradition, de la réinventer, de se la réapproprier, de s’y abreuver, car nous avons soif de sens et de vérité.

À nous désormais de raviver le souvenir d’une époque ; d’une tradition où la culture du lien, de la solidarité, de l’empathie et du vrai notre peuple désormais en perdition.

C’est l’occasion d’un pèlerinage ontologique, d’une repentance populaire d’un peuple en quête d’absolution, nostalgique d’un paradis perdu, fantasmé, révolu, mais toujours vivant dans les dédales d’une mémoire collective.


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