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Les couleurs de la mort

Les couleurs de la mort


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Les couleurs de la mort

Au lendemain des émeutes de Los Angeles de 1992, à la sortie du film Malcolm X, de Spike Lee, un Parisien me fit ce trait d’humour : « Tout de même, trois heures sur un type à qui il a fallu une vie et un pèlerinage à La Mecque pour comprendre que l’islam est universel et non pas raciste, c’est un peu long. » Hélas, tous les compatriotes de Malcolm X n’ont pas eu l’occasion de le méditer et d’en retenir quelque leçon — si tant est que l’on puisse apprendre de l’expérience des autres.

 

 

La société américaine laisse peu d’espoir à cet égard. Là-bas, c’est institutionnalisé : la couleur de peau, l’appartenance raciale est un facteur déterminant de l’identité. L’État vous traite selon votre couleur. Votre couleur dicte sinon votre place, en tout cas, ce que vous aurez à affronter pour la prendre, cette place. Dès lors, il est impossible que la couleur ne prenne pas une place centrale dans le débat politique, y compris dans ses marges, et ses extrêmes. Et les extrêmes sont violents, là-bas comme ailleurs. On les appelle « suprématistes. » Blancs ou Noirs.

En réponse à l’effroyable esclavage et aux horreurs du Ku Klux Klan, certains Noirs ont voulu retourner la logique. Comme s’il suffisait de remplacer le Blanc par le Noir. Ou inversement, je ne sais plus… Mais c’est toujours de racisme qu’il s’agit. Et de racisme politique.

Curieusement, Micah Xavier Johnson, alors qu’il a inscrit sa sinistre démarche dans l’ordre politique, est appelé « tueur. » De même est appelé tueur son miroir blanc, Dylann Roof, qui, à Charleston, avait ouvert le feu dans un temple pour les Noirs (car, même pour prier, les couleurs sont séparées, là-bas !…). Ces deux tueurs sont en lien avec des mouvements politiques et espéraient, par leur violence, influer sur le cours — politique — des choses. Mais il semble que l’appellation de « terroriste » soit désormais réservée une seule et unique religion. Les autres n’ont que des tueurs. Ici, ce ne sont pas des attentats, mais de simples mass shootings. Cela dit, les autorités américaines ont accordé à Micah Johnson un point commun avec les « terroristes » : il a finalement été abattu par un drone. Un drone à roulette, mais un drone quand même.

Finalement, les trois heures que Spike Lee a consacrées au pèlerinage de Malcolm X, eh bien… ce n’était pas assez !

On hésite sur le titre de Gil Scott Heron  à citer aujourd’hui. La révolution est loin, et la télévision est dépassée par le Web. On pense aussi bien sûr à Winter in America, de 1974. Mais peut-être faut-il se souvenir qu’après avoir chanté, en 76, son amour pour New York City, l’artiste nous a laissés, sur son dernier album, de 2010, un morceau déchirant intitulé New York is Killing me. Cela quelques mois avant sa mort, à l’hôpital pour pauvres de Saint Luke, à New York.

Barack Obama venait de prendre ses fonctions, mais les mélomanes pouvaient déjà réaliser que le président des USA, fût-il métis, ne possède aucun pouvoir thaumaturge capable de cautériser la plaie béante qu’est la « question raciale » aux États unis.

 


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