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Herero

Le bleu d’un livre


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En France, c’est Élise Fontenaille-N’Diaye qui a, la première, publié sur le sujet, en 2015. Elle voulait écrire sur son grand-père, le général Charles Mangin, un ­héros de la Marne qui avait théorisé, dans un livre de 1910 intitulé La Force noire, le ­recours à des ­contingents venus d’Afrique. L’officier colonial portait différents surnoms évocateurs comme « le Boucher de Verdun », « le Broyeur de Noir(s) », ou « le Boucher du Maroc »… En 1919, il est stationné en Rhénanie avec ses tirailleurs sénégalais, ce qui provoque des réactions rageuses des Allemands, qui craignent — en des mots passablement grossiers — pour leurs femmes et « leur race » (sic).

Notre auteure découvre alors que l’Allemagne de Bismarck avait eu des colonies — perdues à la fin de la Première Guerre mondiale —, dont l’actuelle Namibie, où, en 1884 les colons avaient fondé villes et plantations, réduisant les « indigènes » à des travaux forcés, volant leur bétail et, assez souvent, leurs femmes. Beaucoup de Namibiens racontent aujourd’hui qu’un ou une de leurs ancêtres était le fruit d’un viol. En 1904, les Herero se révoltent et 123 Allemands sont massacrés. La répression est effroyable, mais restait, jusqu’à ces dernières années, méconnue. En 1917, pourtant, Thomas O’Reilly, jeune juge d’origine irlandaise, rassemble des témoignages dans un rapport commandé par les autorités britanniques. Les 200 pages du Blue Book, ou « livre bleu », seront bien utilisées lors des négociations du traité de Versailles, mais, en 1926, la République de Weimar menace de diffuser un White Book qu’elle a préparé sur les colonies anglaises et la guerre des Boers. Prudente, Londres met au pilon toutes les copies qu’elle possède de son Blue Book. C’est pourtant, après trois ans de recherches harassantes, « ce rapport, qu’une nuit, à 3 heures du matin, [Élise Fontenaille-N’Diaye a] réussit à trouver dans le catalogue d’une bibliothèque universitaire de Pretoria, microfilmé par les soins d’un ou d’une bibliothécaire zélée » raconte-elle.

Elle y découvre qu’entre le désert du Kalahari et la presqu’île de Shark Island s’est déroulée une quasi-répétition des génocides qui ont marqué le XXe siècle. Le 3 octobre 1904, le général Lothar von Trotha ordonne, par écrit, de tuer sans distinction les hommes, les femmes et les enfants. Environ 80 000 personnes, Herero et Nama, ont été exterminés entre 1904 et 1908. Par les armes, en les repoussant dans le désert ou en les enfermant dans des camps de travaux forcés. « Ainsi, l’expression “camp de concentration” inventée en 1896 par les Espagnols à Cuba, anglicisée par les Américains puis utilisée par les Britanniques pendant la guerre des Boers, fit son entrée dans la langue et la politique allemandes », note le suédois Sven Lindqvist. Le concept est bureaucratisé. Le gouverneur Friedrich von Lindequist demande des rapports mensuels qui établissent le compte des prisonniers « exploitables » ou « inexploitables » pour le travail (c’est-à-dire malades ou mourants). Parmi les représentants allemands sur place, on trouve Heinrich Göring, père de Hermann, ou le Dr Eugen Fischer dont le livre Fondements de l’hérédité humaine et principe d’hygiène raciale (sic) inspirera Hitler, qui lui confiera le très officiel institut d’Hygiène raciale (resic).

Après une plainte officielle déposée par les Herero en 2001, le gouvernement allemand a présenté des excuses partielles en 2004 et annoncé, en 2016, vouloir bientôt en faire des officielles. À Berlin, le grand public vient d’être sensibilisé à cette histoire par une exposition qui est aujourd’hui présentée à Paris, au Mémorial de la Shoah. Le lieu fait sens, puisque, en effet, l’histoire de la colonisation éclaire d’un jour très cru les origines des génocides et des occupations nazis. Dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale Hannah Arendt en avait déjà fait la remarque, tombant ainsi d’accord avec Aimé Césaire, qui, dans son discours sur le colonialisme énonçait que, citons : « Ce que le très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle […] ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’Homme, ce n’est pas l’humiliation de l’Homme en soi, c’est le crime contre l’Homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique. »

Fondé en Californie en 1969, en pleine guerre du Viet Nam, le groupe War s’est distingué par un mélange des genres musicaux et l’aspect multiethnique de la composition de ses membres. En 1972 il publiait l’historique The World is a ghetto, qui deviendra autant un classique de la pop qu’un standard du jazz.

https://youtu.be/oKKMdmPBWRk


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