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Article 13

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Article 13

Ce lundi, les autorités françaises ont pris le problème à bras le corps, disent-elles. Tous les médias ont été conviés. Le ministre de l’Intérieur l’a annoncé : on allait vider, humainement, la « Jungle » de Calais. Fini le plus grand bidonville de France. On va déplacer les 10 000 personnes qui y survivaient, attendant de voir leur rêve de traverser la Manche se réaliser.

On peut l’admettre, ce énième démantèlement — un éditorial du Monde nous le rappelle : de Sangatte à la Jungle, l’histoire du ou des camps de Calais reste à écrire ; ce non-lieu de non-vie est dans le non-dit – ce démantèlement, donc, semble mieux préparé que les précédents. Les ONG ont été consultées. Les autorités locales, municipales ou départementales, impliquées. Des volontaires ont parcouru le camp pour informer les migrants. Il leur est proposé, fermement, d’être relogés dans des centres d’accueil ventilés, façon puzzle, sur le territoire français. Des petites unités, discrètes, pour quelques dizaines de personnes. Plusieurs milliers ont déclaré accepter. EIles sont montées, devant les caméras, dans les autocars affrétés par la préfecture.

Des images viennent à l’esprit. Celles de District 9, du réalisateur sud-africain Neill Blomkamp. Le film, à la charge puissamment ironique, nous montre les autorités internationales aux prises avec un camp de réfugiés… extraterrestres, devenu un effroyable ghetto à Johannesburg. Une allégorie éminemment sensible dans l’ex-pays de l’Apartheid.

On espère, pour le cas français, que la population locale ne va pas se mettre à incendier les centres d’accueil, comme dans le Puy-de-Dôme, dimanche soir. Heureusement, cette fois, le centre était vide, et les pompiers rapides.

Et puis, beaucoup de migrants ont quitté la Jungle à l’avance. On les soupçonne de se cacher dans les environs, pour revenir tenter leur chance ou reconstituer ailleurs le bidonville qui va être rasé. Certains de ceux qui ont pris les cars annoncent déjà qu’ils pensent à revenir, si ça ne se passe comme ils l’espèrent.

Enfin, les enfants et adolescents sans famille sont estimés à 1300. On lit dans L’Obs qu’il est prévu que « Tous les mineurs isolés doivent être hébergés dans les containers du centre d’accueil provisoire de Calais. » La phrase vaut une répétition : « Tous les mineurs isolés doivent être hébergés dans les containers… »

Bon. D’accord, il s’agit de containers « aménagés ». Mais tout de même !

Michel Agier, directeur de recherche à l’IRD et à l’EHESS, a expliqué en 2014 que, « fermer un camp, c’est tenter de rendre le problème invisible. » Hannah Arendt, juste après la Seconde Guerre mondiale, relevait pour sa part que c’est un renoncement, un échec des politiques que de confier à la police, voire aux militaires, des populations en déplacement.

Les humanitaires, quant à eux, commencent à s’interroger sur le fait qu’à travers le monde, leur rôle est de plus en plus celui d’auxiliaires dune autorité administrative, parfois en dehors même du cadre d’un État-nation, qui semble toucher ici sa limite.

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme aussi, dont l’article 13 stipule que « Toute personne a le droit de quitter tout pays… » Visiblement, ce droit s’arrête, ou presque, aux frontières européennes et américaines.

En 2006, le jazzman tunisien Anouar Brahem publiait, sur le prestigieux label allemand ECM, son premier album, Le Voyage de Sahar.

  

https://youtu.be/K8rQMkpHwvw


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