logo-mini
Alep

Le siège d’Alep


Partager

Alep

C’est une horreur. Les images sont aussi terrifiantes que celles de Gaza. Ce sont celles d’Alep, sous les bombes.

L’AFP a publié sur le Net les images de son jeune correspondant. Karam Al-Masri  vit à Alep, a connu les geôles du Baath et celles de Daech (où il n’a rencontré aucun shabbih, aucun milicien du Baath parmi les prisonniers, affirme-t-il). Karam Al-Masri survit comme il peut. Se nourrit, quand il le peut, d’aubergine et de persil. « J’ai appris à aimer le persil », a-t-il communiqué, par Whatsapp, aux membres du bureau de Beyrouth de l’agence de presse.

Il a commencé par filmer avec son téléphone, pendant les premières manifestations — pacifiques —, puis la guerre civile s’installant, il s’est perfectionné sur le tas — « sous le tas » serait plus exact. Certaines de ses photos sont saisissantes par leur cadrage, leur composition qui évoque, étonnamment, la peinture classique. On pense à la peinture de David du Serment des Horaces ou au Poussin de L’Enlèvement des Sabines, en observant ces corps figés par l’objectif : certains sont étendus dans une mare de sang, d’autres sont fixés dans leurs gestes de survivant qui hurle, de jeune femme en état de choc ou du sauveteur qui tend le corps d’un enfant par-dessus les décombres, pans de béton, et escaliers d’Escher ne menant plus nulle part, dans un monde mathématiquement absurde.

Il y a aussi cette photo de trois épaves d’autobus, posées à la verticale, pare-brises éventrés vers le ciel, pour protéger une rue d’Alep des tirs de snipers. Un adolescent en pull à rayures passe devant d’un pas décidé. Ici, c’est le manga Ghost in the Shell, qui vient à l’esprit.

Dans son ouvrage Les Arabes, leur destin et le nôtre, paru l’an dernier, Jean-Pierre Filiu rappelle qu’en Egypte, entre 1919 et 1921, le colonisateur anglais avait dû reculer devant une campagne de manifestations pacifiques — oui, avant Gandhi en Inde. Après cet octroi, forcé, d‘une forme de monarchie parlementaire aux Égyptiens, toutes les puissances coloniales ont systématiquement détruit les pacifistes, jugés trop difficiles à contrer, privilégiant et favorisant les affrontements armés, dans lesquels elles dominaient largement — jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. On ne peut qu’y songer en voyant les images d’Alep.

En deux mois, Karam Al-Masri a perdu près de 10 kilos. Son chat aussi a maigri raconte-t-il. Parfois, le jeune homme est trop fatigué pour aller tromper sa faim avec son objectif. Ces nouvelles et ces images sont d’autant plus terrifiantes que l’on mesure sa propre impuissance : que peut-on faire ?

En parler, au moins.

Et puis, pour ceux qui le font, prier.

Prier pour tous, et Dieu reconnaîtra les siens.

En 1981, David Byrne, Brian Eno et Bill Laswell, publiaient My Life in the Bush of Ghosts, un album où figure le désormais classique Regiment, remixant la voix de la Libanaise Dunya Yunis.

https://youtu.be/u453lKyCOfs

https://making-of.afp.com/couvrir-alep-la-peur-au-ventre-et-le-ventre-vide


Poster un Commentaire

10 − 7 =

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.