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Jeunes

Vivre Ensemble : Jamais Sans Nos Jeunes!


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Je m’appelle Younes, j’ai 20 ans…

J’ai eu 20 ans en Août dernier, j’habite Derb Sultan à Casa. Je m’appelle Younes, après avoir quitté l’école et grâce à l’association « Ouled Derb » créée par d’autres jeunes du quartier, j’ai réussi à sortir de l’espèce de spirale qui me guettait et qui malheureusement engloutit tant de mes amis : rass derb, nuits blanches, joints, cyber et el oualida en bouée de secours… Grâce à l’association, j’ai participé à des activités, rencontré des gens et suivi une formation, aujourd’hui je suis pompiste au Maarif, et entre le salaire et les petits pourboires, je vis !

J’essaye de « m’en sortir » même si rien n’est facile, coincé que je suis entre les amis qui « dérivent », ceux qui font des études pour devenir chômeurs au bout du compte, et ces « kilimini » qui me regardent du haut de leur coûteuse voiture à la station service où je travaille.

Nous sommes nombreux dans mon cas, sûrement même une majorité qui y croyons, qui avons la volonté de réussir, qui cherchons à comprendre ce qui se passe autour de nous… D’ailleurs, en ce moment, je m’en pose des questions ! Et personne ne me répond… J’ai l’impression que tous ceux dont c’est « le boulot » parlent un langage que je ne comprends pas, il faut dire que peu de monde nous écoute, quant à nous entendre n’en parlons même pas. Mes parents sont perdus, les pauvres, et puis il y a tellement de sujets que je ne peux pas aborder avec eux ! À l’école nos profs sont souvent absents, si ce n’est pas physiquement ils le sont dans leurs têtes, Dieu merci j’en ai eu qui, malgré leurs conditions de travail de plus en plus précaires, avaient la foi et cherchaient vraiment à nous transmettre un savoir…

Sinon il y a les amis bien sûr, mais là aussi, on se retrouve entre nous et les interlocuteurs – lorsque l’on a besoin d’eux – ne courent pas les rues, car justement, c’est dans la rue que nous faisons notre apprentissage de la vie, où pourrions-nous le faire autrement ? La Maison de Jeunes du quartier ressemble à un espace « hors du temps », ou plutôt datant du Moyen Âge, même pas le wifi, c’est vous dire !

Nous n’avons ni centre culturel, ni espace sportif et notre lieu de rencontre c’est le café ou la salle de billard… sinon le dimanche nous allons jouer au foot sur la plage à Ain Diab.

C’est en écoutant la radio que j’ai découvert l’existence de l’ALCS, l’association qui lutte contre le sida, j’y suis allé -pas tout seul, avec des copains du quartier- pour faire « le » test, j’ai aussi assisté à un débat avec les jeunes de « Sidays » au Morocco Mall, j’y étais allé car Ahmed Soultan y participait et que j’aime ce chanteur et là, j’ai compris que le sida n’était pas « réservé aux autres », que nul n’était à l’abri s’il ne se protégeait pas…

Je n’ai pas de rêves exorbitants mais j’aimerais pouvoir d’abord aider ma famille, j’aimerais aussi passer mon permis, acheter une petite voiture, voyager un peu à travers mon propre pays que je connais si peu… et puis fonder une famille -plus tard – je suis amoureux de Jihane, la fille d’un ami de mon père qui habite une rue plus loin, mais comment faire pour nous voir, pour passer des moments ensemble, pour apprendre à mieux nous connaître ? Son frère Anas est un ami d’enfance et malgré cela -ou à cause de cela- je ne peux rien lui avouer, impossible… « ça ne se fait pas »…

Je ne peux confier ça à personne et nous en sommes réduits à nous « apercevoir » en cachette, à communiquer par textos…

Hier au cyber, en allant sur YouTube,  j’ai vu une vidéo qui représentait un jeune qui me ressemblait et qui disait que « Ma voix valait plus de 200 dirhams, et que je ne devais pas la vendre mais l’utiliser pour aller voter ». J’ai montré ça aux copains autour de moi et on s’est grave pris la tête, moi je disais que c’était vrai ce que disait ce slogan, qu’il fallait être conscient de la valeur de notre voix mais j’étais bien seul…

J’aimerais bien avoir de quoi leur répondre à tous ces jeunes qui tiennent des discours défaitistes, j’aimerais bien les convaincre que non, qu’ils ont tort, qu’ il faut s’impliquer, s’engager, participer, mais je manque d’arguments… Si je me trouvais en face de responsables politiques je leur dirais, moi : parlez-moi, parlez-nous, expliquez-nous, proposez-nous, demandez-nous notre avis, dites-nous ce que vous ferez, donnez-nous des raisons de vous croire, offrez-nous des choix… Mais malheureusement on ne les rencontre pas ! N’ont-ils donc rien à me dire, n’ont-ils rien à nous dire ?

Le seul qui parle de la jeunesse dans ses discours et qui en fait une priorité c’est notre Roi, sinon, sur le terrain essayez donc de rencontrer un élu, de faire aboutir un projet… de demander une réunion au président de l’arrondissement !

Mes parents voudraient quitter notre quartier, nous, les enfants, nous ne sommes pas du tout d’accord, c’est là que nous avons nos repères, nos amis, et puis surtout nous sommes allés voir où ils voudraient déménager, j’ai eu peur !!!

Que des bâtiments !

Des bâtiments qui se touchent, des cafés qui suivent d’autres cafés, pas d’espaces, pas de terrains, pas de « coin de rues » – il n’y a pas de rues – Nous, les aînés nous avons dit aux parents qu’en allant là-bas, on allait « perdre » les petits, qu’ils allaient grandir comme nos cousins qui vivent en France, à la Courneuve – en banlieue parisienne – et qui, lorsqu’ils viennent au Maroc, en été, nous racontent leur quotidien dans leur banlieue… on a visé juste, ça les fait hésiter les parents !

Bon, je vais vous laisser, nous sommes vendredi et je vais aller à la mosquée, j’aime l’imam de notre quartier, il nous explique l’Islam avec des mots qui réconfortent, qui n’effraient pas, et puis, il nous ressemble – il ne nous parle pas un langage hermétique ou agressif – pas comme ce cheikh, venu de je ne sais où, que nous avons visionné avec les copains l’autre jour sur le web – qui lui ne nous parlait qu’avec des mots de haine et qui voulait nous expliquer à nous Marocains -dont le Roi est Commandeur des Croyants – comment il fallait être Musulman, en fait, j’ai vu comment certains prêches, au lieu de nous inciter à faire ressortir ce qui est bon en nous, sont utilisés par certains pour faire de la chair à canon. J’ai vu comment ils retournent le cerveau de quelques jeunes, Dieu merci les parents m’ont donné de bonnes bases et j’essaye de rester fidèle à ce qu’ils m’ont enseigné…

Notre génération a besoin d’adultes éduqués, sages, tolérants qui savent nous parler – pas seulement en matière de religion d’ailleurs – car coincés entre exclusion, manque d’éducation, méconnaissance et le pire de ce qu’internet peut donner – les plus fragiles d’entre nous peuvent dériver.

Nous avons aussi besoin de héros, de  »modèles », d’exemples positifs… j’ai lu sur le web que Noureddine Lakhmari, Moustapha Hadji, Ahmed Soultan étaient des « positive’Idols », c’est vrai, ils nous donnent de l’espoir, l’envie d’y croire, moi j’ai de la volonté, j’ai la rage de vaincre… je vais essayer à mon tour, d’être un « héros positif » dans mon quartier, un leader plutôt qu’un dealer !


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