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Rendre à l’autre son nom


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Il n’est pas de violence qui ne soit précédée par un nom qui nie, qui exclu, qui tue ; un nom qui porte en lui les moyens et les fins de l’enfermement brutal, de la condamnation rationnelle, un nom qui dénie, qui dise non à l’Autre, en son infini.

Il n’est pas de violence qui ne commence par « mal-nommer » l’autre.

Alors, mal nommer, au fond, suppose deux choses.

La première : que la désignation, le contrat que l’on « met », – un peu comme on le fait lorsqu’on a affaire à un tueur à gage qui doit « éliminer » une personne, que la désignation soit un « contrat d’enfermement ».

Le nom devient alors celui et seulement celui, qu’à un moment, qui peut durer éternellement du reste, ou, très longtemps, permet  que le/les malnommé(s) soit forcé(s) de porter le nom imposé par un groupe, qui est toujours le groupe dominant. La Domination/Nomination ici, vaut aussi bien pour les catégories de « La » nation, « La » religion, « Le » parti, etc. C’est-à-dire tout ce qui donne le pouvoir et la légitimité de déterminer une essence comme étant « mauvaise », « dangereuse », « impure », « anormale », etc.

Cette opération, qui consiste à enfermer l’autre, dans un nom qui en vérité le sort, qui l’éjecte, qui peut aussi le tuer, – nous la retrouvons, tout au long de l’Histoire des sociétés…

Cette terrible opération, il n’est pas d’être humain qui ne l’est pas vécu, subi, – chaque moment d’une histoire, chaque moment du savoir que produit un pouvoir produit des noms, qui excluent, ou pire, des noms qui tuent… les « fous », les « invertis », les « lunatiques », que dire, aujourd’hui, dans certaines contrées africaines des albinos, chez nous, des subsahariens auxquels, ici, en ce pays, on a donné le nom « Ebola », des arabes, des musulmans, presque partout, en vérité… De sorte que la violence donnée suppose que préalablement ils étaient mal nommés. Cette opération, cette désignation, cet enfermement dans un nom et un seul, voit s’ensuivre immédiatement une seconde, qui en découle et en renforce les effets…

Ainsi, dès qu’une catégorie a été mal nommée, ceux qui ont été désignés, les « mal nommés » ne peuvent, ni ne doivent en sortir, de sorte que, dans un second temps, l’écart, que nous avons évoqué plus haut, entre l’Homme et sa représentation, se voit aboli, pour que l’être enfermé n’ait plus d’autre choix que de rester rivé, prisonnier du nom qui lui aura été donné, comme une malédiction. Ce nom est aussi bien un verdict, une prison, et pourquoi pas, une sentence de mort.

Pour nous résumer : toute humiliation, tout ce qui brise l’autre dans sa Dignité, tout cela se construit, se fabrique, se produit, et tout cela vise des formes de violences. Allant, nous l’avons déjà dit, ailleurs, de l’enfermement dans une « jungle », c’est le terme employé dernièrement à Calais, terme qui ne semble avoir choqué personne, du reste… Ou, plus terrible, permet le meurtre, c’est-à-dire ce que le philosophe Lévinas nomme la « Volonté d’effacement »,  faisant directement référence au génocide juif.

En vérité : la « mal-nomination » a pour objet unique de construire une infra-humanité et elle constitue, en vérité, le seul combat que l’Humanité se doive de mener, pour continuer de porter son nom… Ce combat, il suppose une chose : de rendre à l’autre son nom, qui n’est pas celui de sa religion, de son orientation sexuelle, politique, mais d’abord celle de sa condition première… Son vrai Nom, le seul possible, l’unique et véritable, qui est celui de Frère, de Sœur en adversité, en vulnérabilité, en mortalité, c’est-à-dire qu’il est mon Autre : l’Homme que je suis. Il est mon nom, que souvent, je ne veux pas porter, avec lui. L’Homme, donc, le Bien-nommé.


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