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Chorfas du Grand Nord


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Le 3 mai dernier, à 13h27, l’AFP annulait une dépêche publiée par erreur à peine une heure plus tôt. Il s’agissait d’un brouillon de texte, a justifié l’agence, dont l’information ne reposait que sur une seule source, qui n’avait pu être recoupée. La source en question était le généalogiste Jean-Louis Beaucarnot, inconnu du grand public, mais, paraît-il, estimé dans son milieu professionnel. Ce qu’il affirme relève, notamment pour les rédactions parisiennes, du surréalisme le plus complet. Mais il maintient toujours que, par sa mère, Marine Le Pen serait un ch’rifa, qu’elle serait une descendante du Prophète « à la cinquantième génération ». Pas de quoi repeindre l’ex candidate à la présidence en crypto-musulmane, relève le journal Le Monde.

La branche maternelle de Mme Le Pen, pense le généalogiste, vient d’une famille aveyronnaise, dont une parente s’appelle Anne de Roquefeuil, qui descend à son tour du roi de France Louis VI le Gros. Or, ce dernier compte parmi ses ascendants des rois d’Espagne, et, semble-t-il, « un haut-fonctionnaire espagnol [qui] s’est marié avec une Omeyyade d’Andalousie, du temps de l’Espagne musulmane. Parmi les aïeuls de cette personne, figurent tout un tas de califes syriens, jusqu’à remonter au prophète Mahomet » Malgré le long travail de l’Inquisition et son obsession du « sang pur », l’immigration choisie paraît n’avoir jamais vraiment bien fonctionné.

Un exemple plus sérieux a été le prince russe Félix Youssoupoff. Né à Saint-Pétersbourg en 1887 et mort à Paris en 1967, il est célèbre pour avoir revendiqué dans ses mémoires sa participation, voire l’organisation de l’assassinat de Raspoutine. Son récit, s’il est bien sûr invérifiable, possède quelques accents de vérité, notamment en ce qu’il décrit un petit groupe d’aristocrates en gants blancs peu familiers avec l’assassinat de salon. Ce qui serait plutôt à leur honneur, surtout comparé à la sinistre routine bureaucratique qui en a été faite, plus tard, par les commissaires du peuple.

Nos élégants conjurés furent, eux, complètement dépassés par un Raspoutine qui, après avoir résisté à un plat complet de gâteaux empoisonnés, trouvait encore la force de se jeter sur le prince qui venait de lui loger une balle près du cœur. Montrant une énergie vitale hors du commun, saignant de multiples blessures, le « staretz » se traînera dans la cour du palais, poursuivi par un des officiers, affolés, qui devra à nouveau lui tirer dessus au moins cinq fois, ne l’achevant qu’arrivé dans la rue. Une véritable boucherie !

Mais Son Altesse Sérénissime le prince Youssoupov revendiquait aussi un arbre généalogique qui affiche fièrement des origines tatares qui passent par le khan de la horde Nogaï Youssouf-Mourza, mort en 1556. La première phrase des Mémoires du prince se lit ainsi : « Les archives de ma famille lui donnaient pour fondateur au VIe siècle un nommé Aboubekir Ben Raïoc qui aurait été un descendant du prophète [sic] Ali, neveu de Mahomet. » Suit une longue histoire qui va de La Mecque à l’Oural, puis en Crimée.

Une légende familiale voulait que le prix de sa conversion au christianisme orthodoxe, à la fin du XVIIe siècle, fût qu’à chaque génération, les héritiers mâles mouraient avant l’âge de 26 ans, à l’exception d’un seul. Félix Youssoupov l’apprit à la mort de son frère aîné, lors d’un duel, juste avant qu’il n’atteigne l’âge fatidique. Quoi qu’il en soit, on ne peut que saluer qu’à la cour impériale du tsar, il n’y avait pas à se cacher de venir d’ailleurs. Et c’est donc un authentique chérif qui aura débarrassé la Russie de Raspoutine.

À Paris, le malicieux généalogiste de l’AFP soutient aussi qu’Emmanuel Macron, de son côté, descendrait d’Hugues Capet, roi des Francs en 987. Enfin, toujours selon Beaucarnot, « tous les rois de France descendent de Mahomet à partir de Saint-Louis, par l’intermédiaire de sa mère Blanche de Castille ». On se prendrait presque à rêver d’une Restauration en France, n’étaient la conscience aiguë de ce qu’est le petit milieu monarchiste français, et le fait qu’il faut bien savoir respecter l’histoire particulière d’un pays, qui ne semble toujours pas prêt à reconnaître tous les trésors dont il dispose en son sein — depuis très, très longtemps, donc.

En 2000, le DJ français Rubin Steiner, l’un des premiers à croiser electro et jazz des années ’20, publiait son album Lo-fi nu Jazz.


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